La logique du haïku / A. Berque
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XXIIIes Lectures sous l’arbre, 17-24 août 2014
21 août, Le Chambon, À l’arbre vagabond
La logique du haïku
Augustin Berque
1. Définir le haïku
La première édition du Petit Larousse (1906) ignore le haïku. Celle de 2001 le définit comme « Petit poème japonais constitué d’un verset de 17 syllabes ». Le plus littéraire de nos grands dictionnaires, le Dictionnaire culturel en langue française d’Alain
Rey (Le Robert, 2005, 5 vol.), le définit comme « Poème classique
japonais de trois vers issu de la strophe nommée haïkaï, dont le premier
et le troisième sont pentasyllabiques, le deuxième heptasyllabique
(5-7-5, soit 17 syllabes) », et lui consacre en outre un encadré de deux
demi-pages, où l’on peut lire entre autres que le haïku « condense une
perception fugitive du monde sensible », où « derrière l’apparente
facilité et la spontanéité se cachent une rigueur formelle et une
thématique très codifiée, où alternent et se mêlent notations sur la
nature, les saisons, les travaux et les jours, les sentiments, comme
dans ces trois variations sur l’averse :
Première averse
le singe aussi aimerait
un petit manteau
Bashô
Écoute là-bas
dans la nuit quand vient l’averse
la voix de la cloche
Kikaku
L’averse est tombée
elles n’ont pu s’aligner barques
barques aux vairons
Senna
Cités dans Bashô, le Manteau de pluie du singe, I, Hiver, trad. R. Sieffert ».
Voyons maintenant ce qu’en disent trois dictionnaires japonais plus ou moins équivalents au Petit Larousse :
- Le Kokugo jiten de chez Shûeisha (1993) : « Poème court formé des 17 pieds 5-7-5. En principe on y introduit un mot de césure (kireji 切れ字)[1] et un mot de saison (kigo 季語). Tourner un − (− o hineru). ◊ Forme de hokku 発句 [strophe initiale] détachée du haikai renga 俳諧連歌 [poème en chaîne de ton libre] ».
- Le Kôjien de chez Iwanami (1955) : « Signifie le hokku du haikai, initialement appelé hokku,
nom donné à la première strophe d’un poème en chaîne de ton libre,
devenue poème autonome. Formé des 17 pieds 5-7-5, anciennement conçu
comme une phrase déclarative (une forme d’expression complète), où
l’usage était d’introduire nécessairement une saison, qui apparut vers
la fin de l’époque Muromachi [1336-1573] en tant que strophe initiale
d’un poème en chaîne de ton libre. Depuis Bashô[2], l’on en vint à ne garder que la strophe initiale, puis sous Meiji, Masaoka Shiki entreprit de la rénover sous le nom de haiku 俳句, donnant naissance à la nouvelle école du haïku ».
- Le Shin seiki de
chez Gakken (1998) : « Poème court composé, quant à la forme, de trois
vers suivant la règle des 5-7-5 pieds, et suivant, quant au contenu, la
contrainte du thème de saison kidai 季題. C’est la strophe initiale (hokku) détachée d’un poème en chaîne de ton libre, dite aussi hakku 発句, qui avec le tanka 短歌 [poème
court] est appelée poésie traditionnelle populaire. Ce qu’on appelle
aujourd’hui haïku est le haïku moderne, et l’on appelle généralement haikai ce qui est antérieur aux temps modernes. (…)
Prenons enfin la définition que donne du haïku l’un des très nombreux guides à l’usage de ses pratiquants, le fort bien vendu Saisonnier introductif d’Ôno Rinka[3] :
Le haïku est un poème de forme fixe (teikeishi 定型詩), comptant cinq-sept-cinq pieds, et qui a pour règle (kimari 決まり) de contenir un mot de saison (kigo 季語). Les mots de saison sont des mots qui expriment la saison, et qui sont inventoriés dans des livres d’un genre nommé saijiki 歳時記 [« annales des ans et des moments », almanachs, saisonniers].
Le
but n’étant pas ici de faire une présentation générale du haïku,
renvoyons sur ce point à ce qu’en écrit André Delteil – grand chasseur
de haïkus devant l’Éternel – dans le Dictionnaire de la civilisation japonaise[4]. Ce
que l’on a vu jusqu’à présent ne nous a rien dit de ce qui fait que le
haïku est un poème spécifiquement japonais, ni des moyens par lesquels
il exprime ce lien spécifique avec la japonité. Voilà ce que nous allons
maintenant aborder, à partir d’un exemple qui convienne à la saison où
nous sommes, du moins en France : un haïku de l’été[5].
2. Le renversement du poème
Il s’agit de ce haïku d’Ôshi[6]:
風鈴の Fûrin no La clochette à vent[7]
ちひさき音の chiisaki oto no au son qui tintinnabule
下にゐる shita ni iru je suis là-dessous
Dans le Nouveau saisonnier du haïku de Yamamoto Kenkichi (1907-1988)[8], qui fait autorité, ce poème est classé parmi les « mots de saison » (kigo 季語) de l’été. Les haïkus, on l’a vu plus haut, doivent obligatoirement comporter un mot de saison, lequel est ici fûrin, la clochette à vent. Celle-ci,
l’été, s’accroche à une branche dans le jardin, ou à une poutre
saillant au dehors, et son battant muni d’une petite voile (une bande de
papier) tinte au moindre souffle de vent, ce qui vous rafraîchit par
synesthésie quand vous l’entendez, dans la touffeur de la maison. Mot à
mot, la phrase (qui, précisons-le, est grammaticalement tout à fait
ordinaire) nous dit ceci : « clochette à vent - de // petit son - de //
en dessous - se trouver » ; soit : « se trouver sous le petit son de la
clochette à vent ». Or la forme du verbe iru (être quelque part, comme dans l’espagnol estar)
n’indique aucune personne ; il peut indifféremment s’agir de moi, toi,
elle/lui, nous, vous, eux/elles. En japonais, il n’y a en effet pas de
flexion du verbe selon la personne ; ni, pour confirmer cette personne
comme en français, de pronom personnel au vrai sens du terme. Ici,
nous n’avons effectivement ni l’une ni l’autre : ni flexion, ni pronom.
Morphologiquement donc, rien n’indique de qui il s’agit. Ce qui est
explicitement dit, c’est le tintement de la clochette, et le
« se-trouver » (iru) de quelque présence latente, là-dessous, ou
ressentant la fraîcheur du vent comme si c’était là-dessous. De quelque
être, en somme, qui seraitcela où il est : sous le son léger de la clochette à vent… et pourrait donc se dire pure immanence : Je suis cela où je suis… Sum id, ubi sum !
Voilà qui
diffère antipodalement de ce que Descartes affirme de son être – celui
du sujet occidental moderne en train de construire son individualisme –
dans le Discours de la méthode : « je connus de là que j’étais
une substance dont toute l’essence ou la nature n’est que de penser, et
qui, pour être, n’a besoin d’aucun lieu, ni ne dépend d’aucune chose
matérielle »[9]. L’être en question, ce « je », il existe en lui-même indépendamment de tout lieu,
de toute chose matérielle. Il garde son identité quelles que soient les
circonstances, et quel que soit son corps : féminin ou masculin, jeune
ou vieux. Il est ubiquiste, universel, transcendantal. C’est bien une persona,
un masque interchangeable derrière lequel n’importe qui peut cacher la
singularité de son visage, quel qu’il soit, où qu’il soit…
Mais
revenons à notre haïku. Pour le traduire, le français quant à lui est
obligé de préciser qui est le sujet du verbe iru, donc, selon toute vraisemblance, de traduire shita ni iru par « je suis dessous, je me trouve
sous ». Car, effectivement, le fonctionnement ordinaire de la langue
japonaise implique l’existence du locuteur. Vous ne pouvez pas énoncer
tel ou tel jugement comme si vous, l’énonciateur, n’existiez pas. Par
exemple, vous ne pourrez pas dire « Marie est triste » (Mari wa kanashii) ; vous devrez dire « Marie a l’air triste » (Mari wa kanashisô da).
Pourquoi ? Parce que vous existez, et que n’étant pas Marie, vous ne
pouvez pas exprimer directement ce qu’elle éprouve ; vous ne pouvez
qu’exprimer l’impression que son aspect vous donne, à vous subjectivement. C’est ce que, pour faire court, nous appellerons l’aspectivité de la langue japonaise.
Le
français en revanche peut allègrement abstraire votre discours de votre
propre existence pour énoncer ce constat d’apparence objective, « Marie
est triste ». Autrement dit, « S est P », dans ce rapport binaire entre
sujet (au sens logique : ce dont il s’agit, c’est-à-dire un objet
quelconque) et prédicat (ce que l’on en dit) qui a fourni au grec la
base de la logique. Mais de quelle logique, au fait ? Est-il bien
logique de feindre que l’existant qui dit que S est P n’existe pas ?
« L’existant n’existe pas », voilà qui justement pose un problème
logique, et même ontologique…
Mais
derechef, revenons à notre haïku. L’existence de son énonciateur étant
impliquée par son énonciation même, nous comprendrons donc que c’est
moi, l’énonciateur, qui suis sous la clochette ; et traduirons par
conséquent « Je suis sous le son léger de la clochette à vent ».
Seulement, ledit « je » – ledit sujet –, c’est la langue française qui
l’invente pour le dire expressément, et ce faisant exclure formellement
tout autre virtuel sujet, auditeur ou lecteur par exemple. Autrement
dit, le français procède ici à une absolutisation de la subjectité au
bénéfice d’un seul des actants – au demeurant virtuel – du poème, ce qui
en modifie le sens, les autres actants se trouvant par là même réduits
au statut d’objets, d’attributs ou de prédicats, bref de circonstants de
mon existence à moi. Tout autre chose est de commencer par une ambiance
(le son de la clochette à vent) pour terminer sur l’évocation d’une
existence latente (celle du sujet implicite du verbe iru), d’un
côté, et d’un autre côté de commencer par l’assertion de l’existence
dudit sujet en tant que « je » pour continuer par l’exposé des
attributions de ce même sujet (à savoir qu’il se trouve sous la
clochette à vent). C’est une profonde restructuration de la réalité,
laquelle, dans cette scène comme dans l’ordre des mots du poème, se
trouve littéralement mise sens dessus dessous.
Ce renversement du poème, le français ne peut pas ne pas le faire, car il est obligé non seulement de fournir un sujet grammatical au verbe iru,
mais aussi de donner un sujet logique au prédicat « se trouver sous le
son léger de la clochette à vent ». Or on voit que ce n’est pas le cas
de la langue japonaise, laquelle se passe fort bien de l’un comme de
l’autre, donc des deux structures mères – la structure grammaticale
S-V-C (sujet-verbe-complément), et la structure logique binaire S-P
(sujet-prédicat) – de la langue française et de ses cousines
européennes. Mais ces structures, par quoi le japonais les
remplace-t-il ?
3. L’aspectivité de la scène
Revenons
encore à notre haïku. Ce qu’il nous donne à imaginer, c’est une certaine
scène, qui se présente en elle-même sans que soit au préalable posée
l’identité de l’être à qui elle se présente. Ce que dit le poème, c’est
la présence de cette scène (bamen 場面, « l’aspect des lieux »), sa prae(s)entia : son être-là-devant. Mais cela non pas dans le pur être-là-devant d’un objet passible d’objectivation, comme la res extensa dans le dualisme cartésien ; c’est qu’au contraire, dans l’être-là-devant-pour de
l’aspectivité propre à la langue japonaise, cette présence suppose
l’être pour qui présence il y a. Dans notre haïku, cet être, c’est moi –
moi qui parle –, ou encore c’est vous à ma place, car cette place est
libre : aucun « je » ne l’occupe. C’est vous, ainsi, qui êtes sous le
son léger de la clochette à vent, et c’est donc vous qui ressentez sa
fraîcheur… à condition, toutefois, d’être Nippon de souche ; car cette
synesthésie ne fonctionne pas chez qui ne serait pas familier des
clochettes à vent[10].
Voilà
qui ne relève pas de la logique binaire (S-P) et objectivante du « S
est P », par exemple « il (S) fait 37°5 (P) », mais d’une logique
ternaire S-I-P, où S n’est P que pour un certain interprète I.
Mais au fait, est-elle vraiment si logique et objective, la logique qui
invente un sujet fictif (« il ») pour nous dire combien « il » fait ? La
langue japonaise en tout cas fonctionne autrement, aussi bien dans
l’équivalent météorologique de l’énoncé qui précède : 37°5 ni natte iru, où le sujet de natte iru (verbe qui exprime un état) n’est pas spécifié, que dans l’énoncé plus ordinaire atsui !, qui signifie à la fois « il
fait chaud ! » et « j’ai chaud ! ». La langue française, elle,
distingue clairement ces deux énoncés, cela justement parce que, dans
une phrase typique, elle pose nécessairement le sujet de la structure
S-V-C ou S-P, et dans le cas présent distingue donc formellement le
sujet impersonnel « il » du sujet personnel « je ». Autrement dit, parce
qu’elle distingue « je » de la scène où « je » se trouve. Cette
distinction, la langue japonaise peut au besoin la faire (toute langue
peut la faire), mais l’important, c’est qu’ordinairement elle ne la fait
pas. Ordinairement en effet, ce qui est explicitement dit est
l’ambiance (ici, la chaleur, ou plus haut le tintement de la clochette à
vent), tandis que l’existence de la personne qui profère l’énoncé ne
l’est pas. Elle n’est pas explicitée, parce qu’il n’y a pas besoin de le
faire ; et il n’y a pas besoin de le faire, parce qu’elle est
structurellement impliquée dans l’énoncé de l’ambiance elle-même.
Autrement dit, dans ce qui est le prédicat pour les équivalents
français « j’ai chaud » et « il fait chaud »[11].
Or ce qui, dans l’énoncé correspondant atsui !,
fait logiquement qu’il n’y a pas lieu de distinguer « j’ai chaud » de
« il fait chaud », c’est l’aspectivité du japonais. En effet, sauf
tournure alambiquée, je ne peux pas dire qu’il fait chaud sans que cela
implique que c’est moi, locuteur, qui ai cette impression de chaleur.
C’est à moi que cette chaleur apparaît (φαίνεται, comme le grec ancien
l’eût dit à la voix moyenne, parce que c’est mon milieu et
qu’il concerne mon être). Certains linguistes, obnubilés par la
grammaire des principales langues européennes, ont pris prétexte
d’exemples de ce genre pour déplorer que le japonais ne permette pas
d’énoncés objectifs. En effet, dans atsui !, il y a indistinction
entre le subjectif (ce que le locuteur éprouve) et l’objectif (la
température qu’il fait). Le japonais serait donc une langue illogique,
voire sans grammaire digne de ce nom. La chose a été soutenue, entre
autres, par Mori Arimasa[12] (1911-1976), philosophe de renom, et qui enseigna le japonais aux Langues O (où je fus son élève dans les années soixante).
Or
l’argument peut être retourné à l’envoyeur ; car il revient tout
bonnement à dire que la logique et la grammaire du japonais sont autres
que celles du français (etc.). Pour nous en tenir ici à l’exemple d’atsui !et de « j’ai chaud / il fait chaud », l’ambivalence de l’énoncé atsui ! n’est
en rien plus illogique que le fait d’extraire fictivement l’existence
du locuteur de l’énoncé soi-disant objectif « il fait chaud », en
substituant un sujet abstrait (« il ») au sujet en chair et en os (le
locuteur). Il s’agit seulement de deux logiques différentes. L’une est
concrète – celle d’atsui ! –, l’autre est abstraite – celle de
« il fait chaud ». La première est structurellement rebelle au dualisme,
la seconde s’y prête structurellement. La première porte aisément à
considérer l’être comme un être-là, voire comme un être-le-là (sum id, ubi sum), la seconde porte aisément à ce qu’affirma le cogito, à savoir qu’il n’aurait besoin d’aucun lieu pour être (sum qui sum, et basta !)[13].
…
Reste maintenant à préciser ce que peut être cette chose à nous peu
familière, une « logique concrète », et à montrer comment le haïku peut
illustrer une pareille logique.
4. La concrescence des mots, des choses et de la chair
Mais d’abord, qu’est-ce que la concrétude ?
Le contraire de l’abstraction ? Certes, mais c’est avant tout la
réalité des choses dans un certain milieu. Dans la concrétude – mieux :
la concrescence, le croître-ensemble[14] – des milieux humains, les choses ne sont pas ce qu’en a fait l’u-topie (la
négation du lieu) propre au sujet moderne : de simples objets, des
en-soi arrêtés là-devant dans l’étendue. Elles vont et croissent avec
l’être du sujet lui-même : ses sens, ses actes, ses pensées, ses
paroles. Cet aller-avec de la réalité, qui implique l’être dans son milieu, c’est ce qu’il a fallu nier pour que cet être devienne le sujet moderne, et que, corrélativement, les choses deviennent sous son regard l’objet moderne, figé dans son arrêt-sur-objet.
C’est cela qui a permis le dualisme, et avec lui non seulement la
révolution scientifique moderne, mais la modernité tout court. Cela qu’a
symbolisé la perspective linéaire, qui dans sa costruzione legittima plaça l’œil de l’observateur en dehors de la scène, pour la toiser à loisir comme d’un regard de nulle part – un regardu-topique, abstrait.
Ne la regrettons pas, cette « construction légitime », car elle a
permis que nous existions tels que nous sommes devenus ; mais sachons
reconnaître qu’elle repose sur une fiction, car en réalité –concrètement – nous ne sommes pas en dehors de la scène. Nous sommes dedans[15].
Ce
« dedans » – ce milieu où être il y a – , les diverses cultures n’en
ont pas reconnu la concrescence au même degré[16]. Le cogito et
son regard de nulle part l’ont forclose. Le Japon, au contraire, l’a
érigée en règle fondamentale ; en particulier dans son genre littéraire
le plus universellement connu, toujours massivement pratiqué par les
Japonais eux-mêmes, voire jusqu’à l’étranger dans d’autres langues que
le japonais : le haïku, lequel s’est codifié à peu près au moment où au
contraire, à l’autre bout de l’Eurasie, le paradigme abstrait de la
modernité s’instaurait.
Le trait le plus apparent du haïku, c’est bien entendu, comme le note le Petit Larousse, que
c’est un poème court, formé de trois vers de 5, 7 et 5 pieds. Par
principe, il « chante les phénomènes du monde naturel qui se produisent
en fonction du cycle des saisons, de même que les phénomènes qui en
dépendent dans le monde humain » [17]. Bref,
il chante le milieu nippon. Vaste sujet ! L’histoire y a mis de
l’ordre, plus particulièrement à partir des œuvres d’Ihara Saikaku
(1642-1693) et de Matsuo Bashô (1644-1694), et jusqu’à Masaoka Shiki
(1867-1902). Au XXe siècle, le genre achève d’acquérir son
allure actuelle, nonobstant de violentes controverses dans
l’après-guerre, où le critique Kuwabara Takeo (1904-1988) l’attaqua pour
son conformisme. Toujours est-il qu’au XXIe siècle, les Japonais continuent d’en être massivement amateurs.
L’articulation majeure du haïku avec le milieu nippon, c’est l’obligation d’y introduire un « mot de saison », le kigo. Dans le haïku que j’ai commenté plus haut, ce mot de saison est fûrin, la clochette à vent. Lesdits mots de saison, comme on l’a vu, sont inventoriés et classés dans des saisonniers, les saijiki, lesquels ont commencé à paraître au XVIIe siècle.
Ils n’ont cessé depuis de s’étoffer. Selon André Delteil, le plus
volumineux compte aujourd’hui quelque sept mille entrées[18]. L’un des plus vendus, le saisonnier de poche d’Ôno Rinka[19],
cité plus haut, en contient près de trois mille, chacune comportant une
définition de quelques lignes, six ou sept exemples de haïkus tirés du
patrimoine littéraire pour illustrer ce mot de saison, et des
indications pour mieux apprécier ces poèmes ; soit près de six cents
pages sur papier bible. L’introduction nous dit :
Ces dernières
années ont vu un boom des saisonniers. Quasi chaque année, il en paraît
de nouveaux, disant comporter de quatre à cinq mille mots de saison, et
qui se prévalent de cette abondance. Chacun ajoute nécessairement de
nouveaux termes, reflétant l’évolution de notre mode de vie. Par
exemple, la vogue de l’alpinisme entraîne la recherche de termes de la
flore de montagne, de noms d’herbes ou d’oiseaux sauvages, lesquels
entraînent la recherche des coutumes allant avec ces phénomènes, et qui
font partie de notre vie quotidienne. On ne peut pas arrêter ce
mouvement. Il y a de bonnes raison pour qu’apparaissent de nouveaux mots
de saison, et l’on doit reconnaître les compositions qui en comportent[20].
On
voit qu’il s’agit d’une coutume vivante, et qui évolue au même pas que
la vie quotidienne des Japonais. Dans les saisonniers, il n’y a pas que
des motifs traditionnels, comme la clochette à vent ! Par exemple, parmi
les mots de saison recensés dans le volume « Hiver » du Nouveau grand saisonnier du Japon[21], l’on trouvera p. 137 la motoneige – dite en japonais setsujôsha ou sunômôbiru (snowmobile), les deux étant reconnus comme mot de saison –, illustrée par le haïku suivant, de Wakaki Ichirô :
雪上車 Setsujôsha À la motoneige
丘のうねりの oka no uneri no de collines en vallons
なりに馳す nari ni hasu on y va à fond !
Le
haïku accueille ainsi indéfiniment la nouveauté, mais selon des règles
strictes, et dont les repères de base ne sont autres que le cadre
naturel du milieu nippon, avec le déroulement saisonnier des scènes de
vie les plus diverses. Ce genre littéraire illustre, par dessus tout, la
concrescence des mots, des temps, des choses et des faits dans ce
milieu-là, qu’il met en ordre – qu’il cosmise – en le mettant en
scène. Les saisonniers sont ainsi de merveilleux manuels d’apprentissage
de la nature, comme des coutumes anciennes et nouvelles qui vont avec.
Ce sont des grammaires de la concrescence, des chorégraphies de tout ce
qui fait un milieu. Cet aller-avec, ils le règlent bien au delà des
mots ; ce sont de véritables mésonomes – des codes du milieu, que les saisonniers recueillent comme le Grevisse recueille le bon usage de la langue française.
Il
s’agit effectivement d’une syntaxe, mais qui dépasse la langue seule.
En cela, le haïku et les saisonniers participent d’une tendance générale
de la culture japonaise, à savoir de régler d’autant mieux
l’extra-verbal que le verbal, en comparaison de la tradition
gréco-latine, est peu exalté comme tel, à savoir dans l’abstraction du
milieu concret, comme langue plutôt que comme discours. C’est le milieu
lui-même qui est syntactisé, à l’inverse de ce qui s’est passé en
Occident, où, par rapport au milieu où être il y a, l’exaltation et
l’autonomisation du logos déboucha dès le temps d’Aristote sur une
logique formelle[22]. Et c’est en revanche la prégnance de cette grammaire du milieu qui
justement permet au haïku d’être bref : le milieu allant de soi dans la
concrescence des mots, des choses et de la chair, le verbal n’a pas
besoin d’être prolixe. L’implicite suffit[23].
Dès l’aube de son histoire, le Japon ne se définissait-il pas comme le
pays béni des dieux où il n’est pas besoin de hausser les mots (kotoage senu kuni)[24] ?
C’est ici plutôt le comportement, la circonstance et le milieu que l’on
norme ; d’où le développement de nombreuses syntaxes
extra-linguistiques.
Ces
syntaxes extra-linguistiques touchent à tous les domaines de la vie
sociale, mais elles sont particulièrement élaborées dans les arts dits
traditionnels, tel l’art des fleurs, et les arts martiaux, tel le
karaté. On les appelle kata 型, mot dont le sens de base est : forme générale ou potentielle des formes singulières (sugata 姿) ou effectives (katachi 形).
Ces formes collectives canalisent les façons d’agir individuelles. Ce
sont des matrices à la fois temporelles (ainsi particulièrement dans le
karaté, où elles règlent des suites de gestes) et spatiales (ainsi
particulièrement dans l’art des fleurs, où elles règlent des topologies
entre éléments). À l’instar de la parole, en elles se touchent le génie
individuel et la syntaxe commune : le kata permet, soutient et oriente l’expression personnelle, qui fait vivre le kata. C’est dans le litige (le Streit), le moment structurel (le Strukturmoment)
de ces deux dimensions : l’individuel et le collectif, que peut
jaillir, ou ne pas jaillir, la création d’une œuvre. Ainsi
particulièrement dans le haïku et son organisation sociale, laquelle
encadre de nos jours, selon Delteil,
plusieurs millions de personnes, dont un fort noyau regroupé autour de quelque huit cents revues spécialisées. Les haijin,
ceux qui pratiquent le haïku, se réunissent au moins une fois par mois
pour s’exprimer par un vote sur les œuvres présentées par leurs
collègues, la règle imposant que l’on ne choisisse aucun verset dont on
est soi-même l’auteur ; ce n’est qu’en dernier lieu qu’est dévoilée la
paternité de chacun des versets. Le fait de la sélection ramène les
auteurs au statut de lecteurs, phénomène propre à un art de groupe (za) où jouent des résonances qui dépassent souvent l’entendement du nouveau venu[25].
C’est ainsi, à l’opposé de l’u-topie du cogito, que se cultive le milieu nippon, tendant à faire des Japonais cela même où ils sont : le Japon. Id fieri, ubi sunt : devenir cela, où ils sont[26].
Palaiseau, 17 août 2014.
Annexe – Amorce d’un saisonnier[27]
Ci-dessous,
les mots de saison sont indiqués en gras. Les saisons dont ils relèvent
sont référées au calendrier actuel (grégorien), que suit le Nouveau saisonnier du haïku de Yamamoto Kenkichi (op. cit.).
Printemps (4 février – 5 mai)
Hanabie no 花冷えの Froidure des fleurs
hibachi ni sashite 火鉢にさして au brasero on tisonne
tsuma ga kote 妻が鏝 ma femme à la gâche
Seiton
Yuku haru ya 行春や Printemps qui s’en va
tori naki uo no 鳥啼き魚の chants d’oiseaux le poisson
me wa namida 目は泪 a la larme à l’œil
Bashô
Été (6 mai – 7 août)
Go jo arite 五女ありて Avoir eu cinq filles
nochi no otoko ya 後の男や et après un garçon ah
hatsu nobori 初幟 première bannière
Shiki
Saotome ya 早乙女や La repiqueuse ah
dorote ni hasamu 泥手にはさむ elle empoigne à main boueuse
hitaigami 額髪 au front une mèche
Kisei
Honoka naru ほのかなる Fillette au soupçon
shôjo no hige no 少女のひげの de ce duvet sur ta lèvre
asebameru 汗ばめる la sueur te perle
Seishi
Fûrin no 風鈴の La clochette à vent
chiisaki oto no ちひさき音の au son qui tintinnabule
shita ni iru 下にゐる je suis là-dessous
Ôshi
Automne (8 août – 6 novembre)
Meigetsu ya 名月や Lune des moissons
tatami no ue ni 畳の上に trace sur le tatami
matsu no kage 松の影 une ombre de pin
Kikaku
Hasa ni yûhi 稲架に夕日[28] Soleil couchant sur les gerbes
ryoshû to iu mo 旅愁というも certainement nostalgie
tsuka no ma ya 束の間や mais fugitive ah
Rinka
Ishiyama no 石山の Sur Ishiyama
ishi yori shiroshi 石より白し plus que les pierres blanchoie
aki no kaze 秋の風 le vent de l’automne
Bashô
Banshû ya 晩秋や Fin d’automne ha
kuwa ni tsumetaki 鍬につめたき elle est froide sur la houe
ame no iro 雨の色 la couleur de pluie
Senseki
Hiver (7 novembre – 3 février)
Shigururu ya しぐるるや L’averse est si froide
ta no arakabu no 田のあらかぶの les éteules des rizières
kuromu hodo 黒む程 elles en sont noires
Bashô
Kogarashi ya 木枯や Le vent de l’hiver
take ni kakurete 竹にかくれて s’est caché dans les bambous
shizumarinu しずまりぬ et va s’apaisant
Bashô
Kogarashi ya 木枯や Le vent de l’hiver
kane ni koishi wo 鐘に小石を sur le bourdon un caillou
fukiateru 吹きあてる il fait résonner
Buson
Jour de l’An (1er janvier)
Uchi harete うちはれて Soudain la lumière
shôji mo shiroshi 障子も白し les shôjis même en sont blancs
hatsu hikage 初日影 le premier soleil
Kikan
Ushiro ni mo 後ろにも Là-derrière aussi
utsureru hito ya うつれる人や quelqu’un qui se reflète ah
hatsu kagami 初鏡 le premier miroir
Kyoshi
[1] Littéralement « mot (ji) de coupure (kire) », parce que placé à la fin d’un vers de 5 ou 7 pieds, tels les exclamatifs ya やou kana 哉 ; à quoi s’ajoutent divers suffixes.
[2] Dans
tout le présent article, les anthroponymes japonais sont donnés dans
leur ordre normal : patronyme en premier. Ex. : MATSUO Bashô, où Bashô («
Bananier ») est le prénom de plume de Matsuo Munefusa (1644-1694).
Toutefois, comme nous disons « Léonard » (de Vinci), il est courant de
désigner les écrivains et les artistes célèbres par leur prénom ou leur
prénom de plume. Ex. : Bashô.
[3] ÔNO Rinka (dir.), Nyûmon saijiki, Tokyo, Kadokawa shoten, 23e édition, 2004 (1980).
[4] André DELTEIL, Haikai, haiku, p. 229-231 dans A. BERQUE (dir.) Dictionnaire de la civilisation japonaise, Paris, Hazan, 1994.
[5] On
notera toutefois qu’à la date de cette conférence (21 août), nous
sommes selon le calendrier des haïkus déjà en automne (8 août – 6
novembre). V. plus bas « Amorce d’un saisonnier ».
[6] Le commentaire qui suit reprend quelques passages de mon Poétique de la Terre. Histoire naturelle et histoire humaine, essai de mésologie, Paris, Belin, 2014, p. 26 sqq. J’ai commenté ce même haïku d’un autre point de vue dans Le Sauvage et l’artifice. Les Japonais devant la nature, Paris, Gallimard, 1997 (1986), p. 39.
[7] Notons que le japonais fûrin (en hiragana ふうりん) compte quatre pieds.
[8] YAMAMOTO Kenkichi, Saishin haiku saijiki, Tokyo, Bungei Shunju, 1977, vol. II, p. 149.
[9] René DESCARTES, Discours de la méthode, Paris, Flammarion, 2008 [1637], p. 38-39.
[10] Diverses informations courant sur Internet (v. p. ex. 風鈴の音を聞くと、本当に涼しくなるのか ?)
font état d’expériences où il s’avérerait que non seulement faire
entendre le son d’une clochette à vent donne l’impression qu’il fait
plus frais, mais qu’à cette impression correspond un abaissement réel de
la température de la peau ; effet qui toutefois n’est pas noté chez des
personnes ignorant ce que c’est qu’une clochette à vent.
[11] Cette implication du sujet dans le prédicat deviendra, dans la « logique du lieu » (basho no ronri 場所の論理) ou « logique du prédicat » (jutsugo no ronri 述語の論理) de Nishida Kitarô (1870-1945), qui culbutait la logique aristotélicienne de l’identité du sujet, « engloutissement » (botsunyû 没入) du plan-sujet (celui de l’être) dans le plan-prédicat (celui du néant). Sur ce thème, v. A. BERQUE (dir.) Logique du lieu et dépassement de la modernité, Bruxelles, Ousia, 2000, 2 vol. ; et plus spécialement A. BERQUE, « Du prédicat sans base : entre mundus et baburu, la modernité », p. 53-62, dans Livia MONNET (dir.) Approches critiques de la pensée japonaise au XXe siècle, Montréal, Presses de l'Université de Montréal, 2002.
[12] Dans MORI Arimasa, Leçons de japonais, Tokyo, Taishûkan, 1972. Une critique acerbe et justifiée de pareilles thèses a été faite par KANAYA Takehiro, Nihongo ni shugo wa iranai (Le japonais n’a pas besoin de sujet), Tokyo, Kôdansha, 2002.
[13] Ce qui, on le sait, fut dit en hébreu (ehyéh ascher ehyéh) quelque temps auparavant sur le mont Horeb. Comme dit la chanson, Les citations se ramassent à la pelle / Les locuteurs et les sujets aussi… Je ne résiste donc pas, étant sous l’arbre, au plaisir estival de traduire un petit poème de ton libre (kai 諧) qui fut à cette occasion composé par un témoin :
Le principe du mont Horeb
En haut du mont Horeb, Yahveh dit à Moïse :
« Je suis celui qui suis (ehyéh asher ehyéh) »
Moïse descendu, les gens lui demandaient :
« O Moïse, là-haut, est-c’qu’i’y avait Yahveh ? »
Moïse confirmait : « Oyez, y avait Yahveh ! »
LES GENS
- Qui c’est, Yahveh ?
MOÏSE
- C’est Lui qui sait qui c’est, Yahveh.
Moralité : c’est çui qui l’sait qui l’est, Yahveh,
Et s’il dit qu’il le sait, alors y a bien Yahveh,
Car Yahveh seul le sait, olé, CQFD !
Les Tables de la Loi vous font de douces bises.
[14] « Concret » vient du participe passé de cumcrescere, croître ensemble.
[15] Je résume ici abruptement un propos que j’ai argumenté et référencé plus en détail dans Écoumène. Introduction à l’étude des milieux humains, Paris, Belin, 2008 (2000).
[16] Je reprends ci-après quelques autres passages de Poétique de la Terre, op. cit., p. 133 sqq.
[17] DELTEIL, art. cit. p. 231.
[18] Soit
environ deux fois plus que la totalité des vocables contenus, aux
dernières statistiques, dans l’œuvre de Racine. V. à ce sujet Charles
BERNET, Le Vocabulaire des tragédies de Jean Racine. Analyse statistique, Genève-Paris, Slatkine-Champion, 1983.
[19] ÔNO Rinka (dir.), Nyûmon saijiki, op. cit.
[20] Op. cit., p. 1.
[21] IIDA Ryûta et al. (dir.) Shin Nihon dai saijiki, Tokyo, Kôdansha, 5 vol. (Jour de l’an, printemps, été, automne, hiver), 1999-2000.
[22] Sur
cette autonomisation du logos par la pensée occidentale, et à l’inverse
la saisie unitaire (λῆμμα) des phénomènes dans leur concrescence par la
pensée orientale, v. YAMAUCHI Tokuryû, Rogosu to renma (Logos et lemme), Tokyo, Iwanami, 1974 – l’un des grands textes du XXe siècle, que je suis en train de traduire en français. À dire vrai, une logique concrète n’est justement pas une logique, mais une lemmique, prenant ensemble par syllemme (de sullambanein, cum-prehendere :
prendre unitairement ce que le logos disjoint) les mots, les choses et
la chair ; par exemple dans des synesthésies comme celle de la clochette
à vent. On trouvera des éclaircissements sur cette lemmique dans Poétique de la Terre, op. cit.
[23] Je rejoins ici ce jugement de Jacqueline PIGEOT, Questions de poétique japonaise,
Paris, PUF, 1997, p. 7 : « On comprend mieux, alors, la vitalité et le
succès du ‘poème court’. (…) si les ‘unités’ formelles de la littérature
japonaise (comme le waka) sont brèves, ce n’est pas en raison de
quelque goût pour la miniature, mais parce que ces unités n’ont pas
l’indépendance de celles de la littérature occidentale (ballade, sonnet,
etc.) ; elles sont interdépendantes et se définissent par leur relation
avec d’autres éléments : autres poèmes, ou prose ». Comme on l’aura
compris, ces « autres éléments » dépassent largement la seule
littérature ; il s’agit bien de tout un milieu.
[24] Man.yôshû, chant 3253-4, attribué à Kakinomoto no Hitomaro (actif au début du VIIe siècle). Les premiers vers disent : « Ashihara no mizuho no kuni wa kamu nagara kotoage senu kuni 葦原の瑞穂の国は神ながら言挙げせぬ国 »,
mot à mot « Le pays des roselières aux jeunes épis de riz est le pays
où à la grâce des dieux l’on n’élève pas les mots », ce que l’on entend
généralement comme : le Japon est si favorisé des dieux qu’il n’y a pas
besoin de les prier.
[25] DELTEIL, art. cit., p. 231.
[26] On aura compris que la présente approche, plutôt que des études littéraires, relève de l’étude des milieux : la mésologie (l’Umweltlehre d’Uexküll, le fûdoron 風土論 de Watsuji), dont on trouvera une présentation générale dans mon La mésologie, pourquoi et pour quoi faire ?, Nanterre La Défense, Presses universitaires de Paris Ouest, 2014.
[27] En modifiant quelques-unes de mes traductions, je reprends ici les haïkus que j’ai commentés dans Le Sauvage et l’artifice, op. cit.,
auquel on pourra se reporter pour saisir dans quel contexte (dans quel
milieu) s’insèrent ces poèmes. L’on ne manquera pas de noter qu’il y a
dans le monde du haïku cinq saisons, dont la cinquième est le Jour de
l’An, gros à lui seul de quelque 600 mots de saison dans le Saisonnier de Yamamoto.
[28] Yûhi (soleil couchant) comptant trois pieds, quelle que soit la lecture de稲架 (hasa, aza, ase, aze, hatsuki, inaka, inekake, ashi, date, kakake, inegi…), ce vers a plus de cinq pieds. Le mot désigne les échafaudages provisoires où, sur les diguettes (aze 畦 ou畔) entre les rizières, on met à sécher les gerbes de riz fraîchement moissonnées.