7/09/2020

Hydroxychloroquine versus Remdesivir

Hydroxychloroquine versus Remdesivir : la guerre du médicament n’est pas terminée

Les agences européennes et françaises du médicament favorisent le produit de l'industriel pharmaceutique Gilead, sans preuve de son intérêt dans la lutte contre le Covid et à un coût très élevé. Dans le même temps, les études se multiplient en faveur de l'efficacité de l'hydroxychloroquine, molécule hors brevet qui ne coûte presque rien et qui est d'usage courant dans la plupart des pays du monde.


L’industriel pharmaceutique Gilead peut se frotter les mains. La vaste opération commerciale qu’il prépare depuis plusieurs années avec son traitement antiviral – le Remdesivir – est en passe de réussir. Après avoir reçu dès le mois de janvier 2020 le soutien de l’OMS, dès le mois de février celui du National Institute of Allergy et de son célèbre directeur Anthony Fauci aux États-Unis, et dès le mois de mars celui du plus influent membre du Conseil scientifique puis celui du Haut Conseil de la Santé Publique en France, le Remdesivir a obtenu le 25 juin dernier la recommandation de l'Agence européenne des médicaments (EMA) puis une commande massive du gouvernement américain. Du coup, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) s’est empressée de faire savoir que « La France s'est assurée de la disponibilité de doses suffisantes » de ce médicament. On crée le besoin, puis on laisse entrevoir un risque de pénurie, et ainsi l’acheteur se précipite pour faire son stock « au cas où ». Le business plan est bien rôdé (et il n'est pas sans rappeler celui qui conduisit au scandale du vaccin contre la grippe H1N1 sous le ministère Bachelot). Dans le même temps on communique à tout va pour déconsidérer toute solution alternative. Au final, malgré les études contestant son efficacité voire soulignant ses effets indésirables, les malades hospitalisés seront orientés vers le Remdevisir.
Si l’on suit le Wall Street Journal (cité ici par Le Parisien) la dose de médicament est produite pour un coût d’environ 10 $, mais « Gilead a fixé le prix à 390 $ par flacon dans tous les pays développés, soit 2 340 $ pour un traitement normal de six flacons en cinq jours ». Certes, l’industriel doit aussi couvrir en partie (puisqu'il reçoit aussi des financements publics...) le coût de développement du médicament. Mais s’il réussit à faire adopter son médicament comme traitement principal du Covid (en particulier dans les pays riches à qui il le vendra plus cher), ses bénéfices seront colossaux. Il y a actuellement plus de 11 millions de personnes dépistées positives au coronavirus dans le monde. Le bénéfice potentiel se chiffre donc en dizaines de milliards. Et toutes les alertes sur le « redémarrage » de l’épidémie ou sa « deuxième vague » sont plus qu’encouragées : ce sont autant de raisons données aux gouvernements de faire des stocks.
Le Covid est un drame pour certains, une aubaine pour d’autres. Ainsi va le monde des humains au 21ème siècle. Au-delà des polémiques stériles sur la personnalité du professeur Raoult, au-delà des affrontements dogmatiques sur la méthode (do you randomise or not ?), la guerre de communication menée par Gilead, relayée dans les pays occidentaux par des responsables politiques, des agences gouvernementales, des journalistes et des médecins hospitaliers en conflits d’intérêt depuis des années, a toujours eu pour but ultime l’intérêt financier.
Remdesivir versus hydroxychloroquine et/ou azithromycine
Pendant ce temps-là, les études observationnelles montrant que le protocole promu à Marseille est plus efficace sont passées sous silence. Cela fait partie de la stratégie : valoriser le plus possible les alertes sur l’inefficacité (fussent-elles une fraude comme la fameuse affaire du Lancet), suggérer même autant que possible la pseudo-dangerosité des médicaments concurrents (voir notre étude sur l’hydroxychloroquine), susciter en retour des études quasi frauduleuses vantant les mérites du Remdesivir (deux ont été publiées dans le New England Journal of Medicine, la première que nous avions révélée ici même, la seconde qui vient d’être analysée par un collectif de médecins français), et faire silence sur tout ce qui contredit ce schéma. L’urgence stratégique pour Gilead était que les agences n’imposent pas la chloroquine comme comparateur au Remdesivir avant l’enregistrement. Occulter toute efficacité et faire parler de la toxicité du concurrent étaient essentiels pour asseoir le monopole du Remsedivir sur le marché mondial. Un classique de la stratégie industrielle. Et pourtant, la réalité des connaissances médicales qui s’accumulent jour après jour dans le monde est bien plus complexe. Pour celles et ceux qui s’y intéressent sincèrement, examinons quelques publications récentes.
Pour commencer, n’en déplaise aux tenants de l’anti-raoultisme primaire, on ne peut pas ne pas examiner sérieusement l’étude finale de l’IHU de Marseille, qui porte sur 3 737 patients. Elle montre que l’HCQ/AZI fait chuter le taux de décès d’au moins 50% (hazard ratio de 0.41 ou 0.49 selon la méthode utilisée), par rapport au groupe témoin qui comprend des patients traités avec l’une seulement ou aucune de ces molécules. Si le témoin ne comprenait que des patients ne recevant ni HCQ ni AZI, l’effet mesuré serait sans doute plus grand car d’autres études ont montré que ces molécules ont un effet bénéfique même utilisées isolement.
Un autre chiffre important à considérer est le taux de décès de 1.1% sur l’ensemble des 3 737 patients, avec 0 décès parmi les moins de 60 ans et seulement 2 parmi les moins de 70 ans. Ces chiffres reflètent l’efficacité de l’approche thérapeutique appliquée sur l’ensemble des malades, pas de manière normative mais en tenant compte du profil de chacun et également du refus de certains de prendre le traitement proposé. Il faut les comparer avec les données disponibles sur l’ensemble de la population française : 15% des gens testés positifs au COVID en France sont décédés et les moins de 60 ans ne sont pas épargnés. Certes, l’IHU a testé à plus grande échelle, ce qui fait forcement baisser le taux de mortalité. Mais cela suffit-il à expliquer un tel écart ? L’Allemagne, qui a testé à grande échelle, a un taux de décès/positifs de 4.6%. Certes, l’IHU a trié les patients, orientant certains vers d’autres centres, et on peut regretter que les critères de tri ne soient pas clairement indiqués. On peut suspecter que l’IHU a admis les patients les moins graves (9.1% de leurs patients sont asymptomatiques), ce qui est cohérent avec le fait que son traitement a surtout vocation à traiter les patients en début de maladie. Mais encore une fois, cela suffit-il à justifier de tels écarts, et notamment l’absence de mortalité parmi les moins de 60 ans ? En outre, un patient grave est très souvent un patient qui n’a pas été traité immédiatement, ce qui signifie que le taux de mortalité de 1.1% pourrait être extrapolable aux patients graves, s’ils avaient été traités dès les premiers symptômes au lieu de retourner chez eux avec du paracétamol. Enfin, dernier chiffre, si l’on ne considère que les 673 patients hospitalisés parmi les 3 737 de la cohorte IHU, le taux de décès est de 5%, donc très au-dessous du taux de 35% mesuré sur toute la France d’après les données gouvernementales. Il est même très en dessous du taux de décès de 16.9% mesuré sur tous les testés positifs en France (hospitalisés ou non), ce qui permet de conclure que la différence est significative quand bien même l’IHU aurait hospitalisé des patients dans un état moins grave qu’ailleurs.
Le détour états-unien : New York et Détroit
On peut ensuite s’intéresser à plusieurs études étasuniennes de grande ampleur.
Commençons par l’étude du système de santé Henry Ford qui mesure l’effet de l’hydroxychloroquine et l’azithromycine, sur 2 541 malades soignés dans six hôpitaux de la ville de Detroit. Ces centres de santé ont adopté un standard de soin commun dans lequel l’HCQ est administrée aussitôt que possible sur les patients (et non en usage compassionnel tardif). L’étude montre que le traitement réduit le taux de décès de 71%, l’hydroxychloroquine seule se montrant également efficace avec une diminution de 66 ou de 51% selon la méthode statistique utilisée pour analyser les résultats. Aucun effet secondaire cardiaque sérieux n’a été observé. Le traitement était généralement administré moins de 48 heures après admission et les auteurs soulignent (comme à l’IHU) qu’il n’est pas efficace aux stades ultimes de la maladie, lorsque survient l’« orage de cytokines ».
Une autre étude américaine utilisant une approche similaire, portant sur 6 493 patients (dont 3708 hospitalisés) suivi par un réseau de huit hôpitaux de la ville de New York, donne un résultat comparable, montrant que l’utilisation de l’hydroxychloroquine divise par deux le taux de décès parmi les patients hospitalisés (« hazard ratio » de 0.53). L’article inclut des données relatives au délai entre admission et démarrage du traitement, montrant que ce délai est très court (en général moins de 1 jour) dans le cas de l’HCQ. On peut donc penser là aussi que le traitement n’est pas donné selon une logique compassionnelle.
Nous disposons ainsi de deux nouvelles études de grande ampleur concluant que le traitement HCQ/AZI réduit très significativement le taux de décès des patients atteints de COVID et hospitalisés. La différence avec les résultats d’études précédentes (revues notamment ici et ) pourrait s’expliquer par une administration du traitement dès l’admission à l’hôpital et selon des critères médicaux clairs, et non pas à des moments variés et selon une logique compassionnelle comme cela a sans doute été le cas pour nombre de patients auparavant.
Pour terminer, examinons une étude réalisée à New York sur 141 malades suivis en ambulatoire et non à l’hôpital (ce qui la rapproche de celle menée en France sur 88 patients par le collectif « Laissons les médecins prescrire »). Elle montre que les patients traités avec la combinaison hydroxychloroquine/azithromycine/zinc sont hospitalisés dans 2.8% des cas et décèdent dans 0.7% des cas, contre 15.4 et 3.8% dans le groupe témoin. Aucun effet secondaire cardiaque n’a été observé.
Par rapport aux autres du même type, cette étude présente l’intérêt de ne pas avoir inclus des patients asymptomatiques ou jeunes et non vulnérables parmi les patients traités (contrairement aux études IHU), et de ne considérer que des patients dont le diagnostic COVID est validé par un test (contrairement à une étude Brésilienne déjà discutée ici). Comme pour les autres études observationnelles, on pourrait aussi reprocher l’absence de randomisation et un traitement statistique insuffisant pour détecter tous les biais potentiels. Mais il est probable que le plus gros biais potentiel ne fasse que renforcer les conclusions. En effet, aucun tri en faveur des malades plus sévères n’est mentionné pour le groupe témoin. On peut donc suspecter que les patients du groupe témoin sont en moyenne moins malades et que l’effet mesuré du traitement aurait été plus grand si l’on avait fait la comparaison entre des groupes identiques.
Corriger la myopie intellectuelle française
Il faut sortir du prisme franco-français et regarder ce qui se passe ailleurs dans le monde, aussi bien dans la recherche que dans la pratique médicale. Le protocole développé à Marseille a été utilisé et testé dans de nombreux pays, y compris les États-Unis où de nombreux médecins recommandent désormais son utilisation massive en ambulatoire (voir par exemple cet article dans l’American Journal of Epidemiology). La chloroquine et/ou l’hydroxychloroquine sont par ailleurs d’usage courant contre le Covid (et, dans certains cas, recommandés même à l’échelle nationale) en Turquie, en Inde, au Brésil, en Russie, en Iran, en Thaïlande, au Sénégal, au Kenya, au Tchad, au Congo-Brazzaville, au Maroc et en Algérie (pour ne citer que quelques pays très peuplés). C’est également le cas en Europe, avec l’Italie, le Portugal, la Roumanie et la Grèce. Au total, plus de 60% de la population mondiale vit dans un pays où la chloroquine et ses dérivés sont recommandés par les agences sanitaires pour traiter les malades du Covid. Et dans les autres, cela n’empêche pas les médecins de les prescrire en leur âme et conscience. Y compris en France (voir une intéressante compilation ici), et ce malgré des tentatives d’intimidations sous forme de décret gouvernemental ou de menaces de sanction par le Conseil de l’Ordre des Médecins.
Plusieurs études internationales récentes (ici en Chine, là au Portugal) montrent par ailleurs que les personnes qui souffrent de maladies rhumatismales et sont traitées avec l’hydroxychloroquine depuis de nombreuses années s’avèrent assez fortement protégées contre le risque de contracter la maladie du Covid-19.
N'en déplaise aux apôtres de la randomisation, pour qui les patients ne sont que des unités statistiques utilisées dans des modèles mathématiques (ce qui facilite grandement les fraudes de type de celle du Lancet), l’observation de patients réels par les médecins de ville et des médecins hospitaliers qui les soignent, confirme dans beaucoup d’études menées à travers le monde que ces vieux médicaments utilisés depuis des décennies face aux épidémies ont des effets bénéfiques bien réels, à condition d’être utilisés à bon escient (les bons dosages aux bons moments). Leurs effets sont de surcroît bien plus significatifs que ceux prêtés à un nouveau médicament non encore commercialisé, sorti du chapeau d’un industriel dont la préoccupation première est moins le sort de l’humanité que l’enrichissement de ses actionnaires.

Laurent MUCCHIELLI, directeur de recherche au CNRS, Aix-Marseille Université (France)
Jacques POLLINI, chercheur associé à l’Université de McGill (Montréal, Canada)