6/25/2021

Les gestes du chef d'orchestre décryptés

 

Les gestes du chef d'orchestre décryptés : Mikko Franck par Christian Merlin

Baguette, langage corporel, expressions faciales... Que signifient les gestes d'un chef d'orchestre ? Christian Merlin, producteur à France musique, analyse la gestuelle du chef d'orchestre finlandais Mikko Franck. Décryptage en vidéo.
Les gestes du chef d'orchestre décryptés : Mikko Franck par Christian Merlin
Mikko Franck, © Radio France / Christophe Abramowitz

Christian Merlin, journaliste, auteur du livre "Au Coeur de l'orchestre" (Fayard) et producteur radio de l'émission "Au cœur de l'orchestre", fait le point sur les principaux gestes des chefs d'orchestre en prenant l'exemple du chef finlandais et directeur musical de l'Orchestre philharmonique de Radio France : Mikko Franck.

Pour Christian Merlin, "le chef d'orchestre,c'est un musicien qui ne joue pas mais qui montre aux autres comment jouer. C'est un aspect essentiel de sa fonction : il est là d'abord pour aider à jouer ensemble".

Et pour coordonner la centaine de musiciens et musiciennes que compte l'orchestre, Mikko Franck a plusieurs cordes à son arc : sa baguette, sa gestuelle et sa complicité avec les instrumentistes.

La baguette : essentielle... ou superflue ?

Parmi les symboles de la musique classique, on trouve bien évidemment la baguette. C'est souvent la première chose qui vient à l'esprit en entendant les mots "chef d'orchestre"... alors qu'elle n'est pas obligatoire pour diriger. Mais quand elle se trouve entre les mains du maestro, elle a une première utilité : celle d'être vu de loin. En effet, "les cuivres et les percussions, qui sont tout au fond, vont être vraiment loin du chef d'orchestre et pour qu'ils puissent voir à tout moment quelle est la battue, la baguette va être ce repère". Lorsqu'il apprenait la direction d'orchestre, Mikko Franck a été formé à la baguette. Pourtant, il n'est pas rare de le surprendre en train de la poser sur son pupitre, le temps d'un mouvement : "[...] Avec les mains seules, il pourra davantage sculpter le son. Et s'il revient à un passage plus rythmique ou plus puissant, on le verra reprendre sa baguette".

La gestuelle du chef d'orchestre

Pour diriger, Mikko Franck utilise principalement ses deux mains. Chacune possède une fonction précise :

  • La main droite donne le rythme "en battant la mesure"
  • La main gauche renseigne les musiciens sur les nuances musicales comme "l'intensité du son, mais aussi les indications expressives : jouer plus lié, plus en douceur ou au contraire plus net rythmiquement". C'est aussi la main gauche qui donne les départs aux instrumentistes.

Et pour communiquer tous ces paramètres à l'orchestre en temps réel, Mikko Franck fait appel à un ensemble de gestes établis :

Le départ :

"C'est simplement le fait, d'un geste de la main, du doigt ou du regard, d'indiquer à l'instrumentiste que c'est à lui de jouer".

La levée :

Ce geste est primordial, car "pour donner un premier temps qui va être l'attaque de l'instrumentiste, il faut avant cela lui avoir donné la levée. C'est pendant cette levée que les cordes ont le temps de mettre leur archet en position et que les vent peuvent prendre leur inspiration, pour attaquer au bon moment, en douceur et sans être stressés".

La battue :

Fonction principale de la main droite, "il s'agit de battre les différents types de mesures écrites dans la musique, qui donnent le rythme. Il y a des mesures à deux, à trois, à quatre et je pourrais continuer jusqu'à douze temps et même des mesures encore plus complexes !". A l'aide de différents motifs que le chef dessine à même l'air, le musicien doit pouvoir compter facilement les temps, "ce qui est très important dans une œuvre comme le « Sacre du printemps », où les changements de rythmes sont très nombreux".

La dynamique :

C'est le volume sonore de l'orchestre, elle va du "pianissimo" pour les sons faibles au "fortissimo" pour les sons forts. Et pour la moduler, "Mikko Franck peut, par exemple, faire « Chut ! » avec la main. Mais il peut aussi, avec la main gauche, donner l'indication d'un « diminuendo », c'est à dire « diminuer progressivement le son »". A l'inverse, si Mikko Franck veut que son orchestre joue plus fort, il n'a qu'à lever la main gauche, comme s'il portait le son.

L'arrêt :

Parfois et bien souvent entre les mouvements ou à la fin d'une œuvre, il faut aussi savoir arrêter l'orchestre "et là, il est très important que le geste soit très net et très clair... pour que tout le monde s'arrête, si possible, en même temps".

Le reste :

La direction d'orchestre est une discipline qui fait appel à tout le corps, il existe une infinité de manières pour Mikko Franck de communiquer avec son orchestre : "le regard est quelque chose de très important : les musiciens regardent beaucoup les yeux. Si le chef a les mains prises et qu'il est habile, "parfois, un petit coup d'épaule va permettre d'indiquer à la flûte qu'il faut qu'il prenne sa respiration car cela va être à lui de jouer". Le chef doit trouver le langage le plus adapté "à sa manière de faire de la musique".

Sans complicité, peu (ou pas) de musique

Mikko Franck jouit d'une position particulière : en tant que directeur musical de l'Orchestre philharmonique de Radio France, il passe beaucoup de temps avec ses instrumentistes et peut tisser des liens. Ils se manifestent souvent sous la forme d'une grande complicité lors des concerts, que l'on peut apercevoir au début du Sacre du printemps, par exemple : « là [...], Mikko Franck fait un simple geste en direction du basson solo de l'orchestre, Jean-François DuquesnoyUne manière de l'inviter à jouer et de lui dire 'C'est à vous maintenant, vous n'avez pas besoin de moi, je ne vous dirigerai pas'. Et après seulement, une fois que le solo de basson est terminé, Mikko Franck reprend les rênes pour diriger le reste de l'orchestre.» Cette complicité est aussi visible au moment des applaudissements, à la fin du concert : « Les échanges de regards et de poignées de mains, entre Mikko Franck et les premiers pupitres sont vraiment une manière de dire : 'Yes, on l'a eu, we dit it ! '».