Souvent, j’ai la flemme de lire les essais français qui me tentent.
Trop longs, parfois complaisants avec leurs propres obscurités ou leur
syntaxe alambiquée, complaisants, aussi, avec certains jeux de
connivence et d’autorité. J’ai toujours apprécié, par ailleurs, qu’on
m’explique les choses en les simplifiant un peu, comme on les
expliquerait à son chat ou à son chien. Et puis, ma connaissance de
l’histoire toute récente de la poésie française ne dépasse pas celle de
mon chien. Alors quand j’ai vu que le poète / romancier / philosophe /
critique Pierre Vinclair, dont j’avais beaucoup apprécié les sonnets et
dont j’avais envie de lire les écrits de poétique depuis un moment,
signait un petite histoire de la poésie française en anglais adressée au
public de Singapour, j’ai bondi sur l’occasion en ronronnant par
anticipation.
Je n’ai pas été déçu. Il s’agit d’un livre limpide, audacieux,
généreux, personnel et profond qui introduit le lecteur, par le chemin
de l’histoire, à la poésie contemporaine française. D’un livre dont on a
envie de remercier son auteur. Hold the Line atteint parfaitement son
but — il m’a même donné envie de relire des poètes qui m’ont beaucoup
agacé il y a longtemps, et de lire sérieusement les expérimentations
réflexives d’autres poètes dont la simple approche suffisait à
m’assommer. Il regorge de très bonnes choses pour nourrir la pensée. Il
permet notamment de mettre des mots et des idées sur des choses que l’on
ne faisait que pressentir (je pense, par exemple, à la présentation du
symbolisme et de sa descendance immédiate). Même les allusions
spécifiquement destinées aux Singapouriens sont utiles, dans la mesure
où elles donnent du recul et permettent de situer la poésie dans un
contexte plus large.
La thèse fondamentale de Pierre Vinclair est :
Que la poésie, même lorsqu’elle est en prose, est définie par le
vers (“what link is there, if any, between all the things we call
poetry? (…) The answer is deceptively simple: all poetry is line”).
Que
le vers pose un véritable problème métaphysique qui est celui du fossé
entre le véhicule du langage (le son ou l’encre, même si Pierre Vinclair
se focalise sur le son) et son contenu (sa signification au sens large,
qui peut inclure ce qui est dénoté). Le vers pose ce problème, car il
introduit, ou peut introduire des coupes dans le véhicule là où il n’y a
pas de coupe dans le contenu.
Que ce problème, caché aux
classiques, a été révélé par Mallarmé et Rimbaud , donnant lieu à une
crise de la poésie, la crise du vers.
Que l’histoire de la
poésie depuis Mallarmé, d’Apollinaire à Ivar Ch’Vavar, Stéphane Bouquet
et Sophie Loizeau en passant par le surréalisme, l’Oulipo, Ponge ou
l’objectivisme expérimental d’Anne-Marie Albiach, peut-être comprise
comme une suite de réactions à ou de tentatives de résolution de cette
crise.
Cette thèse est très féconde, notamment parce qu’elle permet de
relier l’histoire récente de la poésie à une histoire intellectuelle
globale et au développement de ce qu’on a appelé le postmodernisme. Elle
est aussi rassurante pour les poètes qui peuvent se dire qu’ils
prennent part, avec leurs bouts de ficelles et leurs petits poèmes, à
d’imposants problèmes métaphysiques.
Aux cinq premiers chapitres, où se déploie l’analyse historique, s’en
ajoute un sixième, où Pierre Vinclair présente les cinq dimensions de
sa propre poétique. Ce chapitre est très personnel, mais il est aussi
très généreux. Pierre Vinclair se mouille pour faire avancer la poésie.
Les cinq dimensions de sa poétique sont en effet autant de questions
(concernant le rejet du vers libre, le rôle de l’expérience subjective
et du «discours», la naïveté ou la réflexivité du poète et son
« adresse ») avec lesquelles bien des poètes contemporains bataillent
plus ou moins explicitement, et les réponses honnêtes, parfois
hésitantes, que leur donne Pierre Vinclair sont toutes éclairantes et
utiles.
Pierre Vinclair reconnaît aussi modestement, dans ce dernier
chapitre, que son histoire de la poésie est peut-être plus personnelle
qu’objective. Il n’a par ailleurs pas le temps dans un ouvrage si concis
de la défendre contre de nombreuses objections. Je voudrais cependant
rapporter deux questions que je me suis posées en le lisant et qui ont
persisté.
La première concerne la définition de la poésie par le vers. Cette
définition a le mérite de tout de suite signaler ce qui différencie la
poésie des autres arts. Je me suis demandé si cela permettait de rendre
compte de l’unité entre les arts et de la manière dont on peut on peut
retrouver la distinction entre prose et poésie dans différents arts (les
films de Tarkovsky ou Godard sont plus poétiques que ceux de Nolan).
Après en avoir discuté avec Pierre Vinclair, je pense que cela peut
marcher : il faudra définir les autres arts par la manière dont ils
questionnent le lien entre leur véhicule (le corps pour la danse, les
distributions de couleurs pour la peinture, les instruments pour la
musique) et leur contenu, et ajouter que plus ce questionnement est
prégnant ou manifeste, plus il y a de poésie. Je me demande cependant
si cela ne risque pas de classifier comme poétique des oeuvres,
cinématiques par exemple, qui sont simplement plus réflexives, plus
philosophiques ou plus opaques (je ne trouve pas Derrida ou le dernier
Heidegger bien poétiques, même lorsque leurs styles exprime de tels
questionnements). A contrario, il me semble qu’il existe une poésie dont
l’enjeu se situe très loin de la crise du vers, par exemple une poésie
religieuse et mystique, ou une poésie de la pensée, présente dans les
koans ou certains poèmes néoclassiques de Szymborska (elle se revendique
elle-même du classicisme dans plusieurs poèmes) qui joue parfois avec les idées
et ce qu’elles peuvent viser plus ou moins confusément, plutôt qu’avec
le support de mots et de sons qui permet de les exprimer, qui reste ici
parfaitement transparent.
Par ailleurs, même si je dois avouer que ma connaissance est ici très
limitée, je me demande si la lecture que fait Pierre Vincair de
l’histoire de la poésie française ne tend pas à la surintellectualiser,
et à en négliger, par ce biais, tout un pan, qu’on peut dire populaire,
mineure ou même brute (comme on parle d’art brut). Je pense à une
tradition qui a nourri la chanson française (par exemple Jammes,
Richepin) et qui, des chants traditionnels au RAP en passant par
Brassens et Barbara, a été nourrie par elle. Je pense aussi à des poètes
dont l’influence américaine servit, non pas tant à développer des
expérimentations formelles pour résoudre la crise du vers qu’à se
libérer du poids de l’histoire de la poésie et de ses problèmes
métaphysiques. Brautigan, par exemple, aimait certes énormément
Williams, mais il semble n’être parvenu à écrire qu’en se moquant
gentiment de la tradition qui l’intimidait pour s’en détacher (cf. ses
premiers poèmes sur Baudelaire) et en s’autorisant ainsi à n’être qu’un
poète (selon ses propres termes) mineur.
Pierre Vinclair est certainement conscient de cet écueil. Il insiste à
plusieurs reprises sur les risques d’une poésie élitiste, illisible et
sans public (son texte est par ailleurs particulièrement accessible,
tout comme certains les poèmes que j’ai lu de lui) et sur le caractère
subjectif de ses choix. Il est toujours un peu trop facile, du reste, de
reprocher à une anthologie ou une histoire littéraire d’avoir oublié
tel ou tel auteur. Je voudrais toutefois pousser cette critique un peu
plus loin dans la mesure où je pense qu’elle correspond au vécu d’un
certain nombre de lecteurs qui se sont détournés de la poésie française
des années soixante-dix aux années quatre-vingt-dix la plus diffusée
pour aller lire une poésie étrangère plus accessible et moins réflexive,
ou des poètes français ultra-confidentiels. Je voudrais pousser cette
critique un peu plus loin, surtout, parce qu’elle pointe, je pense, vers
une question intéressante relative à la « crise du vers ». En s’en
tenant à lecture de Pierre Vinclair, et en se rapportant donc à la crise
du vers, on pourrait dire que la poésie à laquelle je fais référence
n’a pas cherché à résoudre cette crise, mais plutôt à nier sa
pertinence, à la dissoudre ou simplement à l’ignorer. Et on pourrait ici
faire une analogie avec la manière dont certains philosophes ont tout
bonnement rejeté les problèmes métaphysiques ou épistémologiques sur
lesquels le postmodernisme s’est construit (je pense à G.E. Moore, à
certains écrits de Wittgenstein et de Russell, à d’autres, plus récents,
de Kripke, Armstrong, Lewis ou Mike Martin, et plus généralement à
toute une traduction réaliste, raisonnablement rationaliste et
anti-sceptique). Pierre Vinclair mentionne, c’est vrai, le rôle des
chansons dans la poésie d’Appolinaire. Il se réfère aussi, dans la
cinquième partie, à l’influence de l’Amérique sur une conception
«démocratique» de la poésie. Mais il prétend (et c’est plausible en ce
qui concerne les poètes qu’il considère) que ceux qui cèdent à cette
influence démocratique américaine se soucient toujours de la crise du
vers — ils s’en accommoderaient juste (“It doens’t mean that poets are
no longer concerned with Rimbaud’s and Mallarmé’s problems [s.c. la
crise du vers]; beyond trying to overcome them with radical solutions,
they are willing to live in the trouble of these unsolvable problems”.)
Je me demande (et ce n’est pas une figure de style, je m’y connais
infiniment bien moins que Pierre Vinclair sur le sujet, je me demande
vraiment) s’il ne manque pas, par cette affirmation, non seulement bien
des poètes, mais peut-être aussi une manière intéressante (et pourquoi
pas profonde) de réagir à la crise du vers en la rejetant. Est-ce que
les poèmes de (un peu au hasard de mes récentes lectures) Thomas Vinau,
Emanuel Campo, Jules Mougin, Mélanie Leblanc, Roger Lahu, de François de
Cornière, d’Albane Gellé, de Florentine Rey sont marqués d’un souci de
l’impossibilité supposée pour les mots d’atteindre ce qu’ils cherchent à
désigner ? Et s’ils le sont effectivement, n’est-il pas temps de
concevoir une poésie libérée de ce souci, parfaitement réaliste, naïve
et apaisée ? Ces questions n’enlèvent absolument rien, encore une fois,
aux grandes qualités de ce petit livre et, je pense, à son utilité. Je
suis au contraire reconnaissant d’avoir eu, par cette lecture,
l’occasion de me les poser.
Hold the Line: (An Essay on Poetry) between France and Singapore, Farisbooks.
(Je remercie Pierre Vinclair pour ses retours sur une première version de cette recension).
La cosmologie scientifique établie à un instant donné dépend directement de ce que l'on connaît de l'univers. Avant le XIXe siècle, l'univers connu était essentiellement réduit au seul système solaire, et la cosmologie portait donc uniquement sur la formation de celui-ci. Ce n'est qu'à partir de la première moitié du XIXe siècle que la distance aux étoiles proches a commencé à être connue ou évaluée de façon relativement réaliste (à partir de 1838 grâce à Friedrich Wilhelm Bessel). L'étude de la répartition spatiale des étoiles au sein de notre galaxie a ensuite été effectuée jusqu'au début du XXe siècle. Enfin, dans les années 1920 la nature extragalactique de ce que l'on appelait alors les « nébuleuses » (aujourd'hui les galaxies) a été découverte par Edwin Hubble. Peu après, Georges Lemaître a également découvert l'expansion de l'Univers,
c'est-à-dire le fait que les galaxies de l'univers s'éloignent les unes
des autres, et ce d'autant plus vite qu'elles sont loin. La cosmologie
telle qu'on l'entend aujourd'hui est donc l'étude de la structure,
l'histoire et l'évolution d'un univers empli de galaxies à perte de vue.
La cosmologie moderne
Quelques ordres de grandeur
Distances
Carte du fond diffus cosmologique, objet d'étude important de la cosmologie moderne, obtenue par reconstruction des observations du satellite WMAP.
La Terre est une planète de taille relativement modeste (environ 6 370 km de rayon), en orbite autour d'une étoile de la Séquence principale, le Soleil. Par définition, la distance Terre-Soleil est utilisée pour définir l'unité astronomique,
soit environ 150 millions de kilomètres. D'autres planètes orbitent
autour du Soleil. La planète la plus éloignée du Soleil (en ne comptant
pas les planètes naines) est Neptune, distante d'environ 4 milliards et demi de kilomètres du Soleil, soit trente fois la distance Terre-Soleil.
Le système solaire est lui-même lié à une structure, la Galaxie (dans le cas de notre galaxie : la Voie lactée), comprenant plusieurs centaines de milliards d'étoiles. L'étoile la plus proche du Soleil, Proxima du Centaure, est située à un peu plus de 4 années-lumière, soit ±38 000 milliards de kilomètres de celui-ci, soit 260 000 fois plus que la distance Soleil-Terre (UA soit l'unité astronomique).
La plupart des étoiles visibles à l'œil nu dans le ciel nocturne sont à
des distances de plusieurs dizaines, voire centaines d'années-lumière.
Le Soleil est situé à la périphérie de la Galaxie. Il en est à environ
25 000 années lumière ; la Galaxie a un rayon environ 2 fois plus grand
que cette distance, pour un diamètre d'environ 100 000 années-lumière.
Ces dimensions en font une galaxie typique de l'univers.
Si l'on excepte les galaxies naines qui existent en nombre dans le voisinage de notre galaxie, la galaxie massive la plus proche de nous est la galaxie d'Andromède,
dont la distance est légèrement supérieure à 2 millions
d'années-lumière. Notre galaxie et celle d'Andromède sont les deux
représentants les plus massifs d'un groupe de galaxies lié par la
gravitation et appelé Groupe local, large de quelques millions d'années-lumière. Il existe d'autres structures plus grandes dans l'univers, appelées amas de galaxies et superamas. L'amas le plus proche du Groupe local est l'amas de la Vierge (ou amas de Virgo, du nom latin de la constellation), lui-même situé près du centre du superamas de la Vierge.
Les superamas sont les plus grosses structures existant dans l'univers,
toutefois leur taille ne dépasse pas 200 à 300 millions
d'années-lumière. Ces structures s'organisent en filaments de plus forte
densités qui entourent des espaces quasiment vides d'une taille de
l’ordre de centaines de millions d’années-lumière (les astres y
pénétrant étant ralentis par l'effet gravitationnel des filaments
constitués de superamas)2,3.
10 millions le nombre de superamas situés dans l'univers observable ;
25 milliards le nombre d'amas de galaxies situés dans l'univers observable ;
350 milliards le nombre de galaxies massives (supérieure à ou de
l'ordre de celle de notre galaxie) situées dans l'univers observable ;
30 000 milliards de milliards (3×1022) le nombre d'étoiles situées dans l'univers observable.
Masses
La masse volumique de la Terre est d'environ 5 tonnes par mètre cube. Étant donné sa taille, sa masse est d'environ 6×1024kg. Le Soleil, qui est une étoile typique, est environ 300 000 fois plus massif, soit 2×1030 kg. Pour les objets plus gros (galaxies, amas de galaxies), il est de coutume d'utiliser la masse solaire comme unité de masse, le kilogramme devenant une unité trop petite au vu des nombres en jeu.
Les observations indiquent que les galaxies sont
significativement plus massives que les étoiles qui les composent. On
est à peu près certain aujourd'hui qu'en plus de la matière ordinaire
dont nous sommes fait, il existe une autre forme de matière,
actuellement inconnue en laboratoire, appelée matière noire.
Contrairement à la matière ordinaire, cette matière noire n'interagit
pas avec la lumière et se trouve donc invisible. De plus, elle ne forme
pas de structures compactes comme des étoiles, des planètes ou des
astéroïdes, mais a une répartition nettement plus diffuse au sein des
galaxies. La masse de la matière noire au sein des galaxies (et dans
l'univers tout entier) est environ six fois plus élevée que celle de la
matière ordinaire. La masse de notre galaxie est donc d'un peu plus de
mille milliards de masses solaires.
La masse estimée des superamas est d'environ quelque 1015 masses solaires. Rapportés à leur taille, les superamas sont des objets extrêmement peu denses : quelques dizaines d'atomes par mètre cube seulement. La masse de l'univers observable est estimée à 1,4×1024 masses solairesN 2.
Durées
La période de révolution de la Terre autour du Soleil est d'une année (en fait une année tropique). Plus les planètes sont éloignées du Soleil, plus leur période de révolution est grande, conséquence de la troisième loi de Kepler. Ainsi, Neptune a une période de 165 ans.
Les ordres de grandeurs augmentent considérablement si l'on
regarde la période de révolution du Soleil autour du centre galactique :
elle est d'environ 200 millions d'années. Les étoiles ne sont pas des
objets immuables. Elles se forment, se mettent à briller, puis
s'éteignent faute de combustible nucléaire en leur sein. L'âge du Soleil
est d'environ 4,5 milliards d'années. Les étoiles les plus vieilles de
notre galaxie ont environ 10 milliards d'années. C'est aussi l'âge de
notre galaxie. Les galaxies aussi naissent à partir d'immenses nuages de
gaz. L'univers lui-même tel que nous le connaissons n'est pas éternel.
Il est issu d'une phase extrêmement dense et chaude, le Big Bang, qui s'est produit il y a environ 13,819 milliards d'années.
La cosmologie a pour but de décrire l'univers et sa formation, que
l'on peut dans un premier temps représenter par une distribution
relativement uniforme (à grande échelle) de matière. Il se trouve que la
mécanique newtonienne s'avère incapable de décrire une distribution
uniforme et infinie de matière. Pour décrire l'univers, il est
indispensable de faire appel à la relativité générale, découverte par Albert Einstein en 1915. Einstein est d'ailleurs le premier à publier un modèle cosmologique moderne, solution de sa théorie fraîchement découverte, mais décrivant un univers
homogène fini et statique. Ce modèle est essentiellement autant motivé
par des considérations philosophiques que physiques, mais introduit une
idée extrêmement ingénieuse (et un peu hasardeuse à l'époque), le principe cosmologique.
La découverte quelques années plus tard de l'expansion de l'Univers par Edwin Hubble remet en cause le modèle d'univers statique d'Einstein et finit de jeter les bases de la cosmologie moderne : l'univers (ou en tout cas la région accessible aux observations) est en expansion, et décrit par la relativité générale. Son évolution est déterminée par cette théorie, ainsi que par les propriétés physiques des formes de matière présentes dans l'univers. C'est essentiellement en fonction de ces dernières que les différentes théories cosmologiques vont émerger.
Les observations indiquent que l'univers est en expansion. Il
était plus dense et plus chaud par le passé. C'est là l'idée fondatrice
du Big Bang, dont le modèle a émergé au milieu du XXe siècle.
Il indique que l'univers tel que nous le connaissons est issu d'une
phase dense et chaude (sans prétendre savoir ce qu'il s'est passé au
tout début de cette phase), à l'issue de laquelle il était dans un état
extrêmement homogène, c'est-à-dire sans objets astrophysiques (étoiles,
galaxies...). Ces objets se sont par la suite formés par un mécanisme
appelé instabilité gravitationnelle.
À mesure que des objets astrophysiques se forment, les conditions
physiques qui règnent dans l'univers changent, pour finalement produire
l'univers tel que nous le connaissons. Le détail de ces processus dépend
de nombreux paramètres, comme l'âge de l'univers, sa densité, et les
propriétés des différentes formes de matière qui coexistent dans
l'univers.
En pratique, les chercheurs élaborent des modèles cosmologiques,
c'est-à-dire une sorte de scénario décrivant ici les différentes phases
par lesquelles l'univers est passé depuis et éventuellement pendant le
Big Bang. Dans les années 1990 a finalement émergé le modèle standard de la cosmologie, qui représente le modèle le plus simple à même d'expliquer l'ensemble des observations cosmologiques.
La relativité générale, la mécanique quantique et la théorie des champs,
couplées à de nombreuses observations astronomiques permettent
aujourd'hui d'ébaucher un scénario relativement fiable de l'histoire de
l'univers sur les 13 ou 14 derniers milliards d'années. Il est de
coutume désormais de parler d'un modèle standard de la cosmologie, à l'instar du modèle standard
en physique des particules, bien que ce dernier soit quantitativement
mieux testé et mieux contraint. Le modèle standard de la cosmologie est
basé sur le concept de l'expansion de l'Univers,
et le fait que celui-ci ait été plus dense et plus chaud par le passé
(d'où le terme de Big Bang chaud). Sa description repose sur
l'utilisation de la relativité générale pour décrire la dynamique de son
expansion, et la donnée de son contenu matériel déterminé pour partie
par l'observation directe, pour partie par un ensemble d'éléments
théoriques et observationnels. On considère aujourd'hui que l'univers
est homogène et isotrope
(c'est-à-dire qu'il a toujours le même aspect quel que soit l'endroit
d'où on l'observe et la direction dans laquelle on l'observe), que sa courbure spatiale est nulle (c'est-à-dire que la géométrie à grande échelle correspond à la géométrie dans l'espace usuelle), et qu'il est empli d'un certain nombre de formes de matière, à savoir :
Une autre forme de matière appelée matière noire
(ou matière sombre), d'origine non baryonique, composée de particules
massives non détectées à ce jour, entrant pour environ 25 % de la
composition totale.
Une autre forme d'énergie dont la nature est mal connue, mais qui pourrait être une constante cosmologique, et appelée génériquement énergie noire, entrant pour 70 % dans la composition du contenu matériel de l'univers.
Il est probable que, par le passé, le contenu matériel ait été
différent. Par exemple, il n'existe pas, ou seulement très peu, d'antimatière
dans l'univers, cependant on pense que, par le passé, matière et
antimatière existaient en quantités égales, mais qu'un surplus de
matière ordinaire s'est formé lors d'un processus, encore mal connu,
appelé baryogenèse.
À l'heure actuelle, seules les époques les plus reculées de la phase
d'expansion de l'univers sont mal connues. L'une des raisons à cela est
qu'il n'est pas possible d'observer directement ces époques, le
rayonnement le plus lointain détectable à l'heure actuelle (le fond diffus cosmologique)
ayant été émis environ 380 000 ans plus tard. Un certain nombre de
scénarios décrivant une partie des époques antérieures existent, parmi
lesquels le plus populaire est celui de l'inflation cosmique.
Le destin de l'Univers
n'est pas, à l'heure actuelle, non plus connu avec certitude, mais, un
grand nombre d'éléments laissent penser que l'expansion de l'univers se
poursuivra indéfiniment (voir accélération de l'expansion de l'univers). Une autre question non résolue est celle de la topologie de l'univers, c'est-à-dire sa structure à très grande échelle, où diverses idées ont été proposées (voir l'article Forme de l'Univers).
Histoire
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La notion d'univers a évolué au cours de l'Histoire. Alors que la Terre était généralement considérée comme un point fixe (théorie géocentrique4, défendue entre autres par Aristote et Ptolémée), la Renaissance a vu émerger l'idée que notre planète n'occupait pas de position privilégiée dans l'univers (principe copernicien5), et n'en était certainement pas au centre. C'est à partir du XVIIe siècle que les premiers instruments d'observation astronomiques ont fait leur apparition (lunette astronomique de Galilée, puis télescope d'Isaac Newton), permettant d'arpenter le cosmos, et de réfléchir à sa structure, puis, à partir du XXe siècle, à son histoire et son évolution.
Depuis le XVIIIe siècle, la cosmologie s'est émancipée de la métaphysique et de la théologie : la distinction entre cosmologie scientifique et cosmologie religieuse,
les deux objets de cet article, est abordée dans le paragraphe suivant.
Les autres paragraphes traitent de l'angle moderne de la cosmologie
scientifique.
Cosmologies scientifiques et cosmologies religieuses
Cette section peut contenir un travail inédit ou des déclarations non vérifiées (avril 2012). Vous pouvez aider en ajoutant des références ou en supprimant le contenu inédit.
On pourrait s'étonner de ce que le terme « cosmologie » soit utilisé
tout à la fois dans les domaines scientifiques et religieux. Alfred North Whitehead est le penseur qui rend le mieux compte de la raison pour laquelle il en est ainsi, dans son ouvrage principal, Procès et réalité - Essai de cosmologie (1929). « Cosmologie » est, dans le vocabulaire de l’auteur, synonyme de « métaphysique ». C’est l’objet de la philosophie spéculative,
définie comme « la tentative pour former un système d’idées générales
qui soit nécessaire, logique, cohérent, et en fonction duquel tous les
éléments de notre expérience puissent être interprétés » (PR p45) comme
un cas particulier du schème général. Chaque mot compte. Chercher à
rendre compte de la totalité des éléments de notre expérience suppose un
système d’idées, aucune idée seule ne peut rendre compte de tout. Est
adéquat un système d’idées qui ne laisse échapper aucun élément et rend
compte de tous, qui a même texture que l’expérience (p46). Est cohérent
un système dans lequel chaque idée tient compte de toutes les autres
dans une relation de présupposition mutuelle ; aucune n’a de sens prise
isolément. Ce système doit forcément partir du langage ordinaire,
quotidien, qui est assez flou, contrepartie de sa polysémie. Whitehead
choisit soigneusement les mots qu’il emploie, et s’il recourt à des
néologismes c’est pour extraire les mots de la gangue d’émotions et
d’indications qu’ils emmènent inévitablement avec eux. La
« cosmo-logie », ce n’est pas seulement l’objet de la science spéciale
indiquée par ce nom, cette branche de l’astrologie qui étudie l’univers. C’est l’étude de l’ensemble des sciences en tant qu’elles sont chacune le lieu d’une expérience d’une région de l’univers, qui désigne seul la totalité de ce qui est6.
Pour Aristote la métaphysique désignait simplement ce qui est au-delà de l'expérience. Pour Whitehead,
ce qu'il y a au-delà de l'expérience, c'est d'autres expériences, mais
aussi le langage. C'est pourquoi il convient de se méfier de ce dernier.
Tout l'effort d'une métaphysique rationnelle consiste en une sorte
d'examen de l'usage du langage, afin d'éviter qu'il se crée des
"localisation fallacieuses du concret". Penser, comme Newton,
que la matière n'est pas créatrice, qu'elle est un donné non évolutif,
est un exemple de localisation fallacieuse du concret, en en entraînant
d'autres, puisqu'il faut de ce cas supposer que le donné a été créé.
Penser que les sensations sont le pur donné de l'expérience est un autre
exemple de localisation fallacieuse du concret, puisqu'en réalité les
sensations sont le fruit des organes, de notre histoire, etc. et que
l'on ne peut s'en assurer qu'au travers d'un examen rigoureux. Les
sciences spéciales, par leur ignorance mutuelle des travaux des autres,
leur naïveté à l'égard des spécialités différentes de la leur, ne
cessent de créer de telles localisations fallacieuses du concret. Whitehead
était extrêmement préoccupé par cette parcellisation du travail
scientifique, qui ne génère plus de savants, mais des professionnels
d'un domaine étroit de l'expérience.
L’auteur estime procéder à l’inverse de tous les autres
concepteurs de systèmes métaphysiques. Pour lui les principes premiers
de la métaphysique ne sont pas la base qui permet d’élaborer le système
mais le but de la discussion (PR : 52). Ils ne sont jamais formulables
de manière complète, leur connaissance est asymptotique. Toute
élaboration de système de ce genre est une « aventure d’idées ». Ce sont
des idées qui sont mises à l’essai (PR : 62) De tels principes sont
pourtant incontournables, car eux seuls permettent de vérifier la
rigueur des concepts utilisés dans les différentes sciences. L’autarcie
des sciences spéciales positives (biologie, physique, etc.), au nom de
laquelle la métaphysique est généralement rejetée, crée un ensemble de
vides entre les disciplines qui rend impossible la critique des concepts
qui sont malgré tout utilisés et définis, différemment, par chacune de
ces sciences. Les travers de la spécialisation sont constamment
critiqués par Whitehead,
pour toutes sortes de raisons que nous découvrirons petit à petit.
L’une d’entre elles est que le monopole des sciences spéciales sur les
concepts crée une polysémie que personne ne contrôle. Ainsi un « champ »
recevra-t-il une définition en physique qui sera fort différente de
celle qu’il reçoit en agronomie, sans qu’il n’y ait jamais de discussion
critique sur la pertinence du terme, sur sa capacité à indiquer
l’expérience sans tromper. Whitehead se méfie beaucoup des abstractions,
d’une certaine manière sa philosophie tout entière est tendue vers cet
unique objectif d’éviter les « abstractions mal placées » ou
« localisation fallacieuse du concret », qui nous conduisent dans des
impasses et génèrent cette métaphysique comme champ de bataille que Kant
avait bien raison de dénoncer. Whitehead cherche au contraire à se
tenir au plus près de l’expérience. Il entend faire preuve d’audace
spéculative et d’humilité devant les faits (PR : 66). « C’est dans leur
traitement des « faits têtus » que les théories de la philosophie
modernes sont les plus faibles » (PR : 226). Même s'il cherche à tenir
compte de toutes les sciences, Whitehead s'inspire en particulier d'Einstein et de la physique des quantas.
Se tenir au plus près de l’expérience, c’est rejeter la
différence entre les « qualités primaires » (ce que la science
mathématique met en évidence) et les « qualités secondes » (ce que nous
appréhendons dans l’expérience). C’est un point crucial de la
philosophie de Whitehead,
qui rejoint le souci romantique : n’omettre aucune expérience, rendre
compte de toutes. C’est dans la manière de rendre compte de la
perception que résident les difficultés de la métaphysique moderne (PR :
208). Le souci sous-jacent est aussi de nature démocratique, nous le
verrons plus loin : aucune expérience ne doit être écartée par la seule
raison de l’autorité. L’expérience ne s’explique que par l’expérience.
« L’élucidation de l’expérience immédiate est l’unique justification
d’une pensée ; et le point de départ de la pensée, c’est l’examen
analytique des composants de cette expérience » (P&R p46). Cela le
conduit à critiquer les théories de la perception héritées, qu’elles
soient sensualistes ou subjectivistes. Aux sensualistes, il reproche de
s’en tenir au « présent immédiat », ne voyant pas que les « données » de
l’expérience ne sont jamais « claires et distinctes » et demandent
toujours des investigations pour être précisées. Ainsi l’examen de l’œil
permet-il de comprendre que nous ne percevons que certaines longueurs
d’onde, et l’usage d’instrument permet-il de rendre perceptible ce qui
ne l’était pas par les seuls sens. Le subjectivisme qu’il prête à Kant
ne tient pas non plus, pas plus que la seule logique, car rien, dans
l’expérience, ne permet d’attribuer l’organisation des choses au seul
entendement. Cela ne revient pas non plus à dire qu’il n’y à rien à
tirer des sens ou de la logique, au contraire ; mais le domaine de
validité des enseignements provenant de ces expériences doit être établi
de telle manière à ne pas outrepasser leurs droits. La vraie méthode
est semblable au vol d’un avion, elle ne cesse d’aller et de revenir de
l’expérience à la « rationalisation imaginative » (PR : 48). La tâche de
la philosophie,
c’est aussi de recouvrer la totalité rejetée dans l’ombre par la
sélection à laquelle procède sans cesse la conscience, et plus
généralement les perceptions (PR : 64).
Pour Whitehead l'univers est créativité. Dieu et le divin est
l’aboutissement de la créativité, le fondement de l’ordre et l’aiguillon
du nouveau. Il n’est pas ce qui se tenait déjà avant la création du
monde, dans le passé, mais ce qui se tient avec toute création, qui ne
cesse jamais (PR : 167). Il y a lieu de parler de "dieu" car cette
créativité est inexpliquée et inexplicable, elle est le fondement ultime
du réel. C'est Platon dans le Timée qui met la créativité au fondement
du processus cosmologique. Si la matière n'était pas création, comme
chez Newton, il faudrait supposer un créateur initial. Ce n'est pas
nécessaire chez Whitehead, et cela parce que cet auteur considère qu'un
tel Dieu créateur est inaccessible à l'expérience et constitue donc le
type même de la "localisation fallacieuse du concret". On aura compris
que la cosmologie de Whitehead reste de part en part kantienne, au sens
où Kant a voulu rester dans les limites de l'expérience. La différence
est que Whitehead
propose une tout autre théorie de la perception, s'appuyant beaucoup
moins sur des catégories "a priori", qu'il juge trop subjectives, et
beaucoup plus sur le résultat des sciences spéciales, en tant qu'elles
sont chacune une expérience du réel.
Science et religion ont donc même objet, ce qui explique qu'il y
ait des cosmologies "religieuses" et d'autres "scientifiques". La
différence entre les deux doit se juger de manière pragmatique, d'après
l'expérience. "Religion" ne doit pas être pris au sens naïf, comme un
ensemble de croyances sans fondement scientifique. De telles définitions
ne pourraient venir que de non-spécialistes des religions. Les
théoriciens de la religion sont Durkheim, Mauss, Bourdieu, Baechler, Gauchet, Moscovici, Sartre,
etc. On peut a minima définir le religieux comme l'expérience du sacré,
et le sacré comme ce qui, dans une société, est important. L'importance
est ce qui fait tenir une société ensemble. C'est au cours de
cérémonies que ce qui est important est réaffirmé, étant toujours menacé
de dériver par l'incessante création de nouveauté; c'est au cours des
révolutions (Durkheim parle "d'effervescence") que changent les fondements de ce qui est important.
Au Moyen Âge théologie et cosmologie étaient étudiées par les mêmes intellectuels. Whitehead souligne d'ailleurs que si Galilée
avait raison de dire que la Terre bouge, l'Église avait raison de dire
que c'était le soleil qui bouge, ce dont la théorie de la relativité a
finalement rendu compte, en montrant que ce sont les deux qui bougent,
dans un univers où tout bouge. Il faut aussi tenir compte des
instruments de l'époque. Les étoiles éloignées paraissaient fixes et
leur nature pouvait difficilement être comprise, sans télescope. Whitehead
rend compte de cela. L'expérience peut être changée par l'invention de
tel ou tel instrument. L'expérience que nous avons du réel sans
instrument ne reste pas moins valable pour autant. Nous voyons toujours
le soleil traverser le ciel et la terre être fixe sous nos pieds, c'est
simplement une autre perspective sur les mêmes objets. Les objets sont
susceptibles d'un nombre indéfini de perspectives dont aucune n'est plus
vraie qu'une autre.
Dans la classification de Christian Wolff (1729), la cosmologie était une des trois disciplines de la « métaphysique spéciale », avec la théologie (dieu), et la psychologie (l'âme).
Par nature, les cosmologies scientifiques se confrontent à la méthode scientifique, et sont échafaudées de façon à être des théories satisfaisantes les plus compatibles avec les observations à une époque donnée.[citation nécessaire]
La qualité des observations allant en s'améliorant, les théories sont
régulièrement affinées, de façon à tenir compte de celles-ci, au gré des
progrès scientifiques et technologiques. Dans certains cas, elles
peuvent être abandonnées au profit d'autres théories si les observations
s'avèrent impossibles à réconcilier avec elles. Les grands changements
de paradigme restent relativement rares dans l'histoire de la cosmologie
(abandon du géocentrisme au profit de l'héliocentrisme, découverte des
échelles de distance interstellaires, de la structure de la Voie lactée, et de l'expansion de l'Univers). Les modifications moins drastiques d'une théorie donnée sont plus fréquentes (ajouts de l'inflation cosmique, de la matière noire et de l'énergie noire au modèle standard de la cosmologie, par exemple).
Notes et références
Notes
Cette distance est paradoxalement supérieure au trajet parcouru par la lumière depuis le Big Bang. Voir Horizon (cosmologie) pour l'explication de ce phénomène.
Ce nombre est supérieur au nombre d'étoiles de l'univers observable mentionné plus haut pour plusieurs raisons :
Toute la matière ordinaire n'est pas condensée en étoiles (seulement 50 % pour notre galaxie, par exemple).
La masse de la matière ordinaire est inférieure d'un facteur 6 à celle de la matière noire.
La masse totale comprise dans l'univers observable comporte une
composante deux fois plus importante que celle de la matière noire, l'énergie noire.
Références
(en) Alfred North Whitehead, Procès et réalité - Essai de cosmologie,
Stéphanie Escoffier, « Les vides de l'Univers sont nés de fluctuations quantiques dans le plasma primordial », Pour la Science, (lire en ligne [archive], consulté le 5 mai 2020)