Quand politique et poétique sont indissociablement liées.
Klaus Mann et Annemarie Schwarzenbach
Le XXème siècle ne sera jamais le
siècle des lignes pures qu’affectionnent les historiens. Il est, et
restera sans doute pour toujours, le siècle réfractaire à toutes les
lectures univoques, à toutes les mises en récit de la grande continuité
historique. Il sera à jamais impossible de suivre toutes les courbes qui
le composent dans un ensemble homogène et cohérent. Le XXème siècle est
le siècle qui ne cessera de casser les os de la tête, comme si les
actes de ses protagonistes s’enchaînaient dans un élan qui évacuait
d’emblée une prise rationnelle et qu’ils épuisaient d’entrée de jeu la
rationalité qui aurait dû les informer. Entre la science et la
philosophie, la politique et l’amour, ce fut un siècle de déchirements,
les vies s’échouaient sur les récifs d’une société abrasive. Seule, sans
doute, la littérature a pu en porter un reflet, car seule la
littérature a pu rester cet espace de tous les possibles où aucune
préconception de la vie et des gens, de la politique et de la société ne
venait dicter les règles de conduite de cet art. Pour le meilleur comme
pour le pire, la littérature aura été ce moule d’une sculpture en
mouvement, à l’instar de ces plâtres qui épousent dans les moindre
détails les aspérités d’une matière molle.
On connaît sur le bout des doigts les égarements des uns et des
autres, leurs retournements, leurs fluctuations, leurs suivismes, leurs
affiliations, leurs renoncements, leurs suicides, leurs gloires et leurs
pertes, les illusions de l’engagement et de l’indifférence. De la
philosophie à la littérature, en passant par l’essai, les bougés du
siècles furent traduits sur le même papier photographique.
Prenons Céline, prenons Heidegger. Prenons Aragon, prenons Sartre. Ou encore Malraux, Blanchot, et tant d’autres…
A l’infini, il sera possible de palabrer sur les raisons de leurs textes et de leurs engagements.
Et puis, il y en a quelques-uns, généralement moins connus que ces
grands ténors. La postérité les a souvent négligé. Pas par le manque
d’envergure de leur œuvre, mais sans doute parce qu’ils ne pouvaient pas
se prêter à une lecture qui laissait place à une fascination pour
l’ambiguïté et le mal (un grand match pourrait se jouer ici entre
Malraux et Malaparte). Leur lecture ne peut laisser place aux mensonges,
aux petits arrangements que requièrent les dorures de la gloire et la
paresse du confort.
Il est des astres qui ne souffrent aucune discussion, leur lumière
existe et jette un éclairage tranchant, sans appel, sur les égarements
de la majorité. Klaus Mann et Annemarie Schwarzenbach sont de ceux-là.
On s’interroge souvent sur la nature d’un salaud, la saleté de
certains engagements. Mais c’est sans compter sur cet impensé de la
psychologie des foules, de la politique et de l’individu, que jamais
nous n’avons pu expliquer le choix de chacun envers l’une ou l’autre
cause. Qu’est-ce qui fait qu’un individu se tourne vers un côté obscur ?
Opère des choix criminels ? Est-ce l’éducation, la force d’un choix
rationnel ? Là-dessus, on ferme les yeux, on se réconforte avec des
repères bien assis, et on n’admet que rarement une ignorance, comme s’il
fallait sans cesse combler le vide qui loge dans les comportements des
individus.
Et si cela ne tenait qu’à toutes ces choses d’apparence frivole ou
inavouable à des dispositions ou à une constitution ? quelle est notre
somme de réflexes ? Ne serait-ce pas ce style de vêtement, ce goût de se
transporter dans les villes, un penchant pour la drogue ou l’ascèse,
une indétermination dans les genres sexuels ? Une physiologie, la place
d’un corps dans l’enchaînement des phrases ?
Sur cette question, l’incipit du Tournant, la célèbre, et
pourtant trop méconnue autobiographie de Klaus Mann, reste d’une force
redoutable et essentielle. Lucidité de Klaus Mann, y compris sur
lui-même, qui voit parfaitement l’enjeu de rendre compte de la nature
d’un engagement qui nourrit toute une vie, au détriment, parfois, de
celle-ci : « Où l’histoire commence-t-elle ? Où notre vie individuelle
prend-elle sa source ? Quelles aventures, quelles passions englouties
ont modelé notre être ? D’où viennent les traits et les tendances
multiples et contradictoires dont est fait notre caractère ? » Revue antifasciste fondée en 1933 par Klaus Mann
En terme de questionnement sur le comportement de tout un chacun dans
un siècle de feu, on aura rarement lu des lignes aussi incisives et
justes sur l’origine des actes des uns et des autres.
On a toujours fait comme si la vitesse, les déplacements, l’attention
portée aux vêtements, le rapport à la drogue, un type de sexualité qui
naviguait entre les genres, l’attitude, en somme, n’était qu’accessoire
chez Klaus Mann et n’alimentait sa biographie que pour en accentuer le
côté tragique au regard de sa véritable ligne de force qui était sa
lucidité et son combat envers le fascisme. On ne s’est jamais demandé
comment le biographique dans sa quotidienneté, ses habitudes, ses
postures (souvent dites frivoles ou désinvoltes) nourrissait le regard
de l’intellectuel, son intelligence intransigeante, son verbe et ses
phrases, son attitude inflexible et admirable pour servir les causes les
plus éclairées dans une Europe en ruine. Or je tiens que ce lien est
essentiel, non seulement dans le cas précis de Klaus Mann mais, plus
généralement, pour essayer de comprendre et de rendre intelligible les
errances criminelles des uns et les combats lumineux des autres.
L’exemple de Klaus Mann nous permet de tenir le poétique et le
politique pour indissociablement liés. Le 20ème siècle et l’engagement
des intellectuels durant cette période se tient tout entier dans la
réussite ou l’échec de ce nœud.
D’Annemarie Schwarzenbach, nous pourrons dire la même chose sans
réserve. Comment expliquer que cette fille de la très haute bourgeoisie
suisse, issue d’une famille de riches industriels qui n’ont jamais caché
leur complaisance, voire leur conviction envers Hitler, ai pu s’engager
corps et âme dans un combat contre la montée du nazisme, en le vivant
dans sa chair et ses affects, en se mettant rapidement à dos tout ce que
la Suisse compte de bonne société, en se servant de sa fortune, le
temps que ses parents lui laissaient encore en jouir, pour aider
financièrement la revue antifasciste que Klaus Mann met sur pied en
Hollande, au début des années 30 d’abord, sous le nom de Die Sammlung, à la fin de la décennie, ensuite, à New-York sous le beau titre de Decision.
C’est avec une fidélité sans faille, une loyauté (il faut bien le dire,
pas toujours soutenue avec la même élégance par Klaus) qu’Annemarie
versera tous les mois sa contribution financière pour que les volumes
puissent paraître.
Regardez ces photos, au-delà de « son visage d’ange inconsolable »
qui vous donne « le mal d’Europe », regardez, plutôt le geste, cette
façon de tenir une cigarette, de porter un pantalon, une tunique, une
veste, de se laisser glisser sur une chaise, de tenir le regard perdu au
loin pour ne pas croire en ce monde-ci. Il y a un mystère et une magie.
Une duperie qui esquive pour mieux tenir ses forces et affronter la
page qui n’attend pas. Klaus Mann
Car pour Klaus, comme pour Annemarie, si le combat se mène toujours
sur la page blanche, sans cesse à reprendre, au prix de se ruiner la
santé et d’aller au-delà de l’effort physique, là où seules la force
morale et la vie psychique prend le pouvoir, même si la chimie n’y est
pas pour rien, si c’est là que se joue l’essentiel pour l’un et l’autre,
ce furent aussi et à hauteur quasiment égale des amoureux du monde et
de certains êtres qui traversaient l’époque, leurs contemporains. Il
fallait rencontrer, voir, fédérer. Les deux étaient certes d’un
narcissisme endurci et increvable, mais jamais mégalomane,s les deux
étaient surtout dans une quête perpétuelle de ce qui pouvait forcer leur
admiration. Admirer, c’était un travail en soi. Trouver les mots et les
gestes, converser, envisager, produire, réaliser, c’est un grand
tournis. Même une lecture distraite du Journal de Klaus
retiendra le lecteur par la capacité qu’il avait de remplir une journée
par autant de phrases et de mots que par des êtres de chair et de sang. 9
janvier 1932 « Je suis assez fatigué ; voir trop peu de gens, cela
crée une sorte d’empoisonnement, de même qu’un sommeil trop rare. » Le
geste, une fois encore. Cette rencontre du poétique et du politique, qui
s’écrivait avec des mots mais aussi avec des corps.
Il y a un épisode qui m’a toujours subjugué, au croisement de ses
deux vies sans répit, dans l’inconfort du foyer de flamme qui les
brûlait. A deux reprises, au moins, Klaus Mann et Annemarie
Schwarzenbach partagent une intimité plus grande, théâtre d’une amitié
(et le reste) aussi incertaine que fidèle. La première scène se passe à
Venise, la seconde à Moscou pour le congrès des écrivains communistes.
Je m’étendrai plus largement sur la première. Car ma fascination pour
l’un et pour l’autre naît d’une photo, d’une image, d’une force
d’attraction inoïe. Annemarie, Klaus et sa sœur, Erika, sont sur une
gondole qui se laisse bercer sur le grand canal à Venise. C’est aussi
simple que cela. Il faut regarder leurs visages. Retrouver les raisons
de ce voyage, les traces de ce départ. On aimerait retrouver leurs mots
échangés, retrouver un film avec du son. Quelques notes, toutefois,
suffisent. Car cet épisode fut sans doute la fin d’une parenthèse et
annonce le début de l’exil, conjointement à un exercice plus soutenu de
la morphine pour l’un comme pour l’autre. Erika Mann, Annemarie Schwarzenbach et Klaus Mann
On peut lire dans le Journal de Klaus qu’Annemarie les a
tous filmés une journée entière à Venise, principalement durant des
achats faits par Klaus autour de San Marco. On rêve de retrouver ce film
pour vérifier ce que la pellicule, le cinéma, serait capable de
retranscrire de leur corps et postures, de leur marche, de la fragilité
de leurs nerfs. Retenir un regard, par exemple, qui dirait tout. Car il y
a bien un mystère autour de leurs existences, on cherche en vain à
comprendre ce qui aurait nourri cette lucidité à toutes épreuves, y
compris, cette lucidité qui prévaudra toujours sur leur santé et leur
confort. Un fois encore, il s’agit de ne pas perdre le fil qui relie
l’ensemble de leur condition d’existence, leur manière d’être. Leur
souci d’eux-mêmes passe toujours, sans exception, par le filtre de
l’inquiétude du monde, jusqu’au plaisir éphémère qu’il peut procurer.
Mai 1932, Venise, donc. Une gondole sur le grand Canal. Erika et
Klaus plongés dans le profonde tristesse causée par le suicide de leur
ami le plus proche, le plus intime, le plus fragile. Sans prévenir
personne, Ricki, c’est son nom, se donnera la mort en avril, alors
qu’ils projetaient tous de partir en Asie pour respirer loin de
l’Allemagne… irrespirable, déjà. En fait, c’est plus que projeter que la
troupe faisait. Tout était fin prêt : matériel, itinéraire,
administration. Ils devaient tous partir le lendemain, Ricki compris.
Ricki se tua sans prévenir personne et en maintenant jusqu’au bout
l’illusion de son enthousiasme, camouflant, par force de caractère, son
triste dessein qui fut de succomber psychologiquement à l’horreur des
premiers actes barbares des nazis.
Venise est dès lors un second choix, ils décident de partir pour
oublier, pour changer d’atmosphère, pour enterrer définitivement cet
autre voyage, avorté, en Perse.
La situation commence à sérieusement dégénérer à ce moment en
Allemagne. Il y eu l’incendie du Reichstag, la montée en puissance
irrésistible des nazis. Lucidité de toute la troupe, sans nuance, sur
les dangers des troubles de cette Allemagne.
Klaus a travaillé d’arrache pied avant de partir : roman, nouvelle,
article, autobiographie. Il n’a pas arrêté. Il lit Anna Karenine, Axel
Munth, Goethe. Il commence aussi avec l’aide d’Annemarie à préparer la
naissance de la revue Die Sammlung, qui se voudra être la revue cosmopolite antifasciste qui fédèrera le plus grand nombre d’intellectuels possible.
Il commence aussi à s’habituer à la morphine. Durant le séjour à
Venise, il fait aussi mention d’une autre prise de médicament sur lequel
je ne retrouve aujourd’hui aucune précision quant à la composition,
mais qu’il nomme « adaline ».
Annemarie, de son côté, vit de très grave turbulences avec sa mère,
qui incarne pour elle la somme de ses contradictions. Si elle connaît
ses choix, assume ses sentiments politiques, si elle sait que l’avenir
de l’Europe la requiert, qu’elle a envie de se rendre utile, si pour
elle les exactions commises en Allemagne sont insupportables, et
l’attitude de la Suisse bien trop frileuse, elle n’arrive pourtant pas à
rompre avec sa mère, qui suffirait à elle seule pour incarner la pente
glissante de l’Europe : fascination pour Hitler et la pureté du
renouveau qu’il incarne, prolongation du passé familial autour de la
quête d’une grande Allemagne sur laquelle la Suisse doit s’aligner, etc.
Elle est clairvoyante, mais souffre intérieurement de cette incapacité à
s’émanciper corps et âme de l’emprise de sa mère. Elle préférera
d’ailleurs toujours la fuite et les voyages comme si l’Europe était
l’incarnation de cette contradiction qui restera à jamais irrésolue.
« Je trouve que l’on devrait quitter l’Europe et les sentiers battus ;
ici, on exige de nous trop peu de courage et beaucoup trop de
patience. »
Klaus, de son côté, essaie de reprendre souffle. Smoking le soir pour
les diners à l’hôtel (l’hôtel des bains, sur la face est du lido),
lecture de Tolstoï sur la plage. Promenades et achats dans Venise.
Visite de l’église des Miracoli, à la frontière de San Marco et du
Cannaregio, du Palais des Doges, et de l’ancêtre de la biennale de
Venise. Sureté du goût, jugement sévère, ils se gaussent des futuristes
comme, peu de temps auparavant, il mentionnera l’archi nullité de Leni
Riefensthal. Annemarie Schwarzenbach
Après Venise, en 1934, c’est à Moscou que se rend Klaus en compagnie
d’Annemarie (celle-ci pense même peut-être à ce moment l’épouser) pour
participer au premier congrès des écrivains soviétiques. On peut lire
ici toute la malice, l’intelligence de Klaus qui se rendra en Russie par
curiosité, pour aiguiser son regard et, une fois encore, ne pas se
tromper. Ce sont quinze jours qui sont relatés dans le Tournant
et qui restent sans appel, tant, dès 1934, Klaus dans sa lecture du
mouvement bolchevique et de sa mise en place étatique reste d’une acuité
sidérante, à faire passer les éclaircies des années 60, 70 et 80 pour
une lecture bien tardive de ce qui se jouait déjà en Russie avec le
léninisme.
Deux épisodes, retracés ici bien trop brièvement. Il y aurait
tellement de choses à reprendre, à relire, citer et nommer dans les
œuvres d’Annemarie Schwarzenbach et de Klaus Mann qui rendent compte
d’une cohérence inouïe au cœur du chaos du 20ème siècle.
Mais il faudra toujours revenir là-dessus, insister sur le fait que
ces deux -à, avant d’être des écrivains hors pairs, des intellectuels
qui se sont épuisés dans leurs combats et dans les voyages, dans l’exil,
et les terres inconnues, sont avant tout des artistes. C’est-à-dire des
êtres d’une sensibilité extrême qui les rendait, à cet époque,
réceptifs au son d’une société, à ses ondulations, à ses voix sourdes
qui se propageaient par les faits et gestes de la politique et du
peuple.
Au final, il faudrait souligner que c’est toujours le goût que Klaus a
mis au poste de commande, une sensibilité, une attitude, des gestes.
C’est par son oreille, son regard, avant les concepts, que Klaus a pu
emprunter une trajectoire tragique mais rectiligne, orgueilleuse mais
généreuse, à travers sa trop courte vie. Klaus s’est toujours méfié,
ceci dit, des penchants vitalistes, d’un nietzchéisme mal digéré, d’une
foi en la vie, en ses pulsions dont il voyait très vite la mesure
totalitaire : « L’orgie de masse à laquelle je prends un plaisir
mi-ironique et amer, mi-doux et vulgaire, porte en elle le germe du
meurtre en masse ; toute ivresse est en puissance une ivresse
sanguinaire, constatation par laquelle je ne voudrais pas, bien sûr,
désavouer mon apologie de la volupté, mais, toutefois, la tempérer comme
il convient. »
Mais ce n’est pas pour autant qu’il va guider sa vie selon des
abstractions, des concepts creux, une foi aveugle dans les constructions
intellectuelles progressistes qui ne feraient que masquer les
interrogations existentielles les plus radicales. Klaus doute tout le
temps : de ce qui l’écrit, de la capacité des œuvres à changer le monde.
Il connaît la vanité, la repère, n’est pas dupe de ses emportements, de
sa fougue haletante. La drogue pour Annemarie comme pour Klaus
matérialise sans aucun doute ces contradictions, mais la ligne reste
pure, et étincelle. Entre la force de la vie, et le couperet des
concepts, ils ne choisissent pas, et préfèrent, artistes, se faire
oreille et regard, aiguiser les réflexes, et construire des mondes
vivables pour tous. On l’a dit. La clairvoyance de Klaus par rapport au
jeu soviétique, à la force des grandes idées généreuses sur le réel des
gens, a nourri son désarroi, sa profonde mélancolie, comme son jugement
sans appel contre les ennemis de la démocratie et du cosmopolitisme.
Relisons, ces lignes du Tournant : « On peut, je pense, être
pour l’abolition ou l’adoucissement des souffrances humaines évitables
et cependant ressentir la situation de l’homme dans l’univers et sur
cette terre comme essentiellement tragique, le problème de l’homme comme
essentiellement insoluble, le tourment de l’existence individuelle
comme finalement sans remède. Oui, il devrait être possible à un esprit
mûr et libre de combattre la superstition et l’obscurantisme, de faire
progresser la lumière et de préserver pourtant en soi l’horreur sacrée
qu’éveille le mystère. L’amour reste un mystère, même dans l’Etat
socialiste ; la raison pour laquelle nous devons disparaître dans la
mort, Marx et Lénine eux-mêmes ne nous l’ont pas dévoilée. Les voiles
demeurent, les énigmes sont toujours là, le phénomène de la vie ne nous
révèle pas sa signification, nous ne savons rien. »
Politique et poétique indissociablement liées, oui, nous ne savons
rien. Nous ne savons rien, sinon la force de certains gestes. Questions
de physiologie, question d’oreille, question de réflexe. Simple rappel.
Expressionist
architecture (roughly, 1905-1935) utilized emerging technology and
unexpected building blocks to realize organic forms. This meant that
structures were inspired largely by the forces of nature (rock
formations, sloping mountain sides, seashells…) but were built under
modernist principles. Consequently, there was a large focus on
unconventional massing; novel materials created shapes that served
function as equally as the pursuit of emotional expression. There was
nothing subtle about this sort of architecture and the urge to push the
boundaries of proper form has afforded us with incredible buildings to
admire many years later. Not least of which are Joaquin Vaquero
Palacios’ hydroelectric plants.
Though he began to design his
famed hydroelectric plants in the 50’s (far after the heyday of
expressionism), the links to it are undeniable. He came of age exactly
as this movement’s trajectory swelled. Born to a father who was one of
the founders of Spain’s Hidroeléctrica del Cantábrico, it wasn’t a far
stretch for Vaquero Palacios to lend his imaginative mind to this
unlikely branch of engineering, and to take the principals of
expressionism along with him. The Proaza plant, for example, opened in
1968. The multi-planar facade resembles the rocky side of a mountain,
concrete “glaciers” pierce the landscape. It’s bold and unconventional,
and seems to far outshine its singular purpose as a hydroelectric plant.
This is what is so beautiful about Vaquero Palacios and his dedication
to the seemingly mundane.
It’s easy to question why one would
spend a career on the design of these sorts of buildings. Why do they
deserve such thoughtful attention? To this, Vaquero Palacios responded:
“All our day-to-day activities are saturated so we need to be appeased
in some way to survive the tensions which we are subjected to.” It’s
simple, he believed in the power of granting attention to the simple
things, to the the places and the routines we take for granted. This
idea, to bring artistic dignity to every aspect of our lives, is
something we work towards as well, and it’s a philosophy we are so happy
he had.
The images we have here are of various plants he completed during his over thirty year career.
Victor Solomon mends dilapidated LA basketball court using Japanese art of Kintsugi
Jennifer Hahn
Artist Victor Solomon has patched up the cracks in a Los Angeles basketball court with gold-coloured resin to highlight the role that sport can play in our collective healing process.
Called
Kintsugi Court, the public artwork is a nod to the titular Japanese
craft practice, in which broken pottery is put back together with a
lacquer that has been infused with powdered, precious metals in order to
highlight rather than conceals its tumultuous history. "I
fell in love with the aesthetics and symbolism of the Kintusgi process
and this idea of celebrating imperfections as a formative part of an
object's journey," Solomon told Dezeen.
"To me, the court has
always represented a place for everyone, from every background, to come
together with a common purpose. And with the heartbreaking beginning of
this year and our polarised culture, I thought it would be poetic to
show that healing is possible through a platform that unites us." The unveiling of the Kintsugi Court coincides with the return of the NBA season, which was suspended at the start of March on the same day that the coronavirus outbreak was officially declared a pandemic by the World Health Organisation.
To create the installation, Solomon and the team behind his basketball-focused art practice Literally Balling first cleared the largest cracks in the concrete of any weeds, dirt and debris.
These were then filled with a resin
mixed with glitter before another layer of pigment was dusted on top.
The result is a network of lines, running like vibrant golden veins
across the entire court.
To finish off the project, the court
markings were given a refresh with gold and white paint while the goals
were exchanged for a matching set of gold-coloured hoops with
transparent backboards. The
court is located in South Los Angeles, which is home to some of the
city's most disenfranchised communities. Here, Solomon hopes it can
provide a space for healing and togetherness via basketball – a sport he
describes as a "universally accessible, class-agnostic,
race-indifferent platform".
"When I was growing up in Boston, I
begged and pleaded with my parents to let me play ice hockey but because
of the expensive equipment plus the cost of even getting on the ice, we
just couldn’t afford it," he said.
"Basketball is unique because
it lacks those barriers to entry, its clean meritocracy transcends the
toxic divisions our culture is dealing with. That's why I think sport's
ability to connect and heal is its most powerful offering to society."
Classic Landscape, 1931 by Charles Sheeler (1883–1965)
“Classic Scene”
by
William Carlos Williams
A power-house
in the shape of
a red brick chair
90 feet high
on the seat of which
sit the figures
of two metal
stacks–aluminum–
commanding an area
of squalid shacks
side by side–
from one of which
buff smoke
streams while under
a grey sky
the other remains
passive today–
Le livre de Jean-Dominique Michel est d’utilité publique
tant sont nombreuses et cruciales les questions discutées :
connaissance statistique de l’épidémie et de la mortalité en général,
critique de la stratégie politico-sanitaire du confinement, état actuel
de la recherche médicale, corruption par l’industrie pharmaceutique,
question du traitement du Covid, questions de santé publique en général.
L’anthropologue
de la santé Jean-Dominique Michel fait partie de ces rares
intellectuels qui, non seulement ne partagent pas les peurs et les
opinions imposées par la communication gouvernementale et les médias
dominants, mais de surcroît ont le courage de l’exprimer publiquement.
Son propos est celui d’un chercheur en sciences sociales spécialiste des
questions de santé, à cheval sur la France et la Suisse, doté d’une
longue expérience. Il est très argumenté et s’appuie en notes de bas de
page sur une importante bibliographie médicale internationale, inconnue
de la plupart des commentateurs français. Nonobstant les quelques
imperfections de forme (coquilles, références parfois données uniquement
sous forme de liens hypertextes) liées à un excès de rapidité dans le
processus de publication, et malgré la personnification du propos et les
nombreuses digressions inutiles qui en découlent (commentaires des
commentaires reçus sur son blog, évocations de souvenirs personnels, récit anecdotique de sa propre maladie, etc.), son livre
(paru mi-juin) se lit facilement et s’avère d’utilité publique tant
sont nombreuses et cruciales les questions de fond discutées. Citons
notamment la connaissance statistique de l’épidémie et de la mortalité
en général, la critique de la stratégie politico-sanitaire du
confinement, l’état actuel de la recherche médicale, la corruption par
l’industrie pharmaceutique, la question du traitement du Covid, les
questions de santé publique en général. On s’efforce ici d’en « extraire
la substantifique moelle » selon l’expression populaire, mais on
recommande à tou(te)s sa lecture.
Exagérations permanentes, panique et mauvaises décisions
Dans une partie des pays, et tout particulièrement en France, la
communication gouvernementale est axée sur l’exagération permanente du
danger. A plusieurs moments, c’est aussi la stratégie qu’a adopté l’OMS,
avançant des taux de létalité du Coronavirus quinze fois supérieurs à
la réalité (p. 9). En fait, 98% des personnes infectées guérissent
spontanément, leur système immunitaire étant suffisamment robuste. Comme
l’ont montré des recherches internationales, le taux de létalité de
cette maladie se situe probablement autour de 0,2%, ce qui est
comparable à une grippe forte (p. 10). Les principales spécificités du
Coronavirus sont apparemment la force de sa contagiosité et la rapidité
avec laquelle il génère des complications respiratoires potentiellement
mortelles chez les personnes les plus fragiles : les personnes âgées,
les personnes obèses et les personnes déjà atteintes par d’autres
maladies ayant sérieusement entamé leurs défenses (maladies
auto-immunes, maladies respiratoires, maladies cardio-vasculaires,
cancers, diabètes de type 2, etc.). Ceci est connu depuis la mi-mars. Et
cela ne justifiait pas l’espèce de « psychose » qui s’est emparée de
beaucoup de pays.
Pourtant, à ce moment-là, plutôt que d’écouter les épidémiologistes,
les infectiologues et les virologues les plus reconnus, les
gouvernements comme celui de la France ont préféré imiter la Chine et
prendre au sérieux des « modélisateurs fous » (p. 17) comme
l’épidémiologiste anglais Neil Ferguson (qui n’a cessé de faire des prédictions totalement erronées dans sa carrière et qui, à propos du Coronavirus, a été désavoué rapidement par beaucoup d’autres chercheurs),
ce qui les a conduits à « aggraver un problème sanitaire d’ampleur
parfaitement maitrisable » (p. 11). Ils ont en effet décidé de confiner
l’ensemble de la population, ce qui n’a jamais fait partie des
recommandations de l’OMS. D’autres gouvernements européens, comme ceux
de l’Allemagne, de la Suède, des Pays-Bas ou encore du Danemark, ont
entendu de véritables experts (comme le virologue allemand Christian Drosten ou le danois Peter Gotzsche) et ont fait du coup des choix bien plus pondérés et judicieux. D’autres pays asiatiques également.
La raison aurait voulu que la stratégie consiste bien plutôt à 1)
renforcer chez chacun le système immunitaire (vitamines, zinc,
magnésium, etc.), 2) produire massivement des tests de dépistage pour
repérer et isoler les personnes infectées, 3) réduire la charge virale
et la contagiosité des personnes « à risque » infectées (ou soupçonnées
de l’être) par les médicaments disponibles (parmi lesquels
l’azithromycine et l’hydroxychloroquine), 4) donner tous les outils de
protection nécessaires aux personnels soignants (masques, gants, etc.)
afin qu’ils ne soient pas infectés et ne propagent pas le virus aux
autres, 5) respecter des règles de protection (comme le lavage de mains
systématique et la distanciation sociale) pendant le temps du pic
épidémique, 6) développer la capacité hospitalière en soins intensifs,
7) mettre en place des comités d’experts vraiment compétents et dénues
de conflits d’intérêt avec les industries pharmaceutiques, 8) adopter un
mode de communication d’Etat honnête et transparent (p. 12-16). Si ces
principes raisonnables, fruits de l’expérience accumulée lors des
précédentes épidémies, avaient été appliqués, l’épidémie de Coronavirus
n’aurait pas fait davantage de victimes que les grippes hivernales qui
reviennent chaque année (p. 43). Or, « rien de tout cela n’a été mis en
place par nos dirigeants. Ceux-là mêmes qui essaient encore de nous
faire croire qu’ils ont agi avec justesse et affirment que s’ils avaient
pris d’autres décision, les choses auraient été bien pires » (p. 17).
Toute la stratégie du gouvernement français est bien là, en effet. La remise en cause scientifique du confinement
Jean-Dominique Michel a été l’un des tout premiers chercheurs
francophones à contester la nécessité du confinement général pour
souligner en retour les mécanismes d’acquisition d’une immunité de
groupe, rappeler le mécanisme classique d’atténuation de la virulence
des virus de ce type lorsqu’ils envahissent une nouvelle espèce,
indiquer aussi que, sauf exception pathologique, les enfants sont
épargnés par le virus. Rappeler aussi que le confinement général n’a jamais été une recommandation de l’OMS aux États. Il s’inspire de grands épidémiologistes comme le Suédois Johan Giesecke ou les Américains John Ioannidis et Knut Wittkomwski (ou encore le prix Nobel de biochimie Michael Lewitt)
qui, dès le milieu du mois de mars « mettaient en garde contre le
risque de prolonger l’épidémie par le confinement, alors que,
disent-ils, elle aurait vocation à passer rapidement si on se focalisait
plutôt sur la mise en quarantaine des malades et la protection des
personnes à risque, qui permettrait la diffusion du virus chez les moins
de 60 ans, sans facteur de risque, pour qui la maladie est bénigne,
favorisant ainsi l’émergence de la fameuse immunité de groupe » (p. 57).
Il fait également partie des experts qui ont compris très vite « la
fameuse courbe en cloche avec une redescente rapide, [qui] est
exactement la même entre les pays, indépendamment des mesures prises ou
non – la seule différence résidant dans le nombre de victimes, corrélé
de manière presque trop visible avec la sévérité du confinement » (p.
58). Encore plus politiquement incorrect, J.-D. Michel mentionne
également cette étude des universités de Zurich et de Bâle
sur l’efficience des mesures sanitaires face au Covid, montrant que le
confinement total est la moins efficace de toutes (voir aussi ce pre-print d’une équipe d’Oxford,
mis en ligne fin juillet). Et si l’on prend en compte les conséquences
humaines et sociales prévisibles du confinement général, la conclusion
arrive fatalement : « ce confinement vendu comme un pis-aller en
l’absence de ce qui était nécessaire (tests de dépistage, suivi des
chaînes de contamination, masques) aura, si l’on en croit ces premières
études, été lui aussi toxique » (p. 59).
Hélas, ces premières études avaient vu juste. Le travail mené par
Denis Rancourt (Université d’Ottawa) – sur lequel nous reviendrons sans
doute dans un prochain épisode – montre que le pic de mortalité
naturelle de l’épidémie (le haut de la courbe en cloche) a, dans
certains pays (et, aux États-Unis, dans certains États), été suivi d’un
pic encore plus bref et intense qui, lui, n’est pas lié à l’histoire
naturelle de la maladie de Covid mais à la décision de confinement
général ayant de fait sacrifié les personnes les plus fragiles (voir
l’étude initiale ici, et sa traduction française là). Sur le rejet de la proposition thérapeutique de Didier Raoult
Si les services d’urgence des hôpitaux ont été saturés et même submergés dans certaines régions
(en France, le Grand Est et la région parisienne en particulier), ce
n’est pas seulement en raison des réformes successives de l’hôpital
public qui, en France comme dans de nombreux autres pays occidentaux,
ont conduit à une réduction continue du nombre de lits. J.-D. Michel
rappelle bien cette raison-là (p. 64-66). Mais il en rappelle aussi une
autre : le rejet de la proposition thérapeutique de l’équipe du
professeur Didier Raoult de l’Institut Hospitalo-Universitaire de
Marseille. En associant un antiviral (l’hydroxychloroquine) et un
antibiotique (l’azithromycine), ils parviennent pourtant à faire baisser
fortement la charge virale dans les premiers jours suivant l’infection,
et ainsi réduire la durée moyenne de la contamination potentielle par
le malade, réduisant donc à la fois le risque que la maladie dégénère
chez le malade et le risque qu’il contamine d’autres personnes (voir leur étude finale sur 3 737 malades soignés à l’IHU). Et ceci est d’autant plus important qu’une étude chinoise a indiqué mi-mars dans le Lancet que la durée du portage viral était en moyenne de 20 jours dans le cas du Covid.
A nouveau, J.-D. Michel rappelle tranquillement des faits bien
établis : D. Raoult est un spécialiste reconnu du sujet, son équipe
utilise couramment ces médicaments et les connaît donc parfaitement, la
chloroquine est d’usage ancien et banal, elle a déjà montré in vitro une efficacité contre des coronavirus plus anciens, y compris le SRAS.
L’incompréhension devant la réaction des autorités politico-sanitaires
françaises est donc forte : « sa déclaration publique est accueillie
avec scepticisme et même hostilité par la communauté scientifique. Les
journalistes du Monde qualifient sa communication de fake news,
accusation reprise sur le site du ministère de la Santé pendant
quelques heures avant d’être retirée » (p. 72). « Au lieu de
l’accueillir avec joie, les autorités et les scientifiques rivalisent de
critiques. Ils concentrent leurs critiques sur le fait qu’on ne peut
pas tirer de conclusions définitives sur la base d’essais cliniques »
(p. 75). Pour J.-D. Michel (qui sous-estime selon nous la dimension
politique de l'anti-raoultisme), il s’agit là d’un « intégrisme
procédural » qui « éthiquement indéfendable dès lors que l’on a affaire à
l’un des médicaments les mieux connus et les mieux maitrisés (…) et
alors que des vies sont en jeu » (p. 75). Cet intégrisme ne surprend
toutefois pas vraiment dès lors que l’on mesure la place qu’ont réussi à
prendre les méthodologistes dans le monde de la recherche médicale, et
derrière eux la place qu’ont réussi à prendre les industriels du
médicament. Pourquoi la médecine ne sera jamais une science exacte
L’evidence based medicine (EBM) « est devenue l’idéologie
dominante en matière de recherche médicale » mais « elle souffre d’un
certain nombre de limites » (p. 89). Développées au départ pour des
maladies chroniques et complexes où les statistiques étaient une aide
précieuse, elle est mal adaptée aux maladies infectieuses où le problème
posé est « beaucoup plus simple » et « empirique » : « soit un remède
est efficace, soit il ne l’est pas. S’il l’est ne serait-ce que sur
trois puis trente premiers malades, alors il le sera (avec sans doute
quelques exceptions statistiquement infimes) sur les trois mille
suivants » (p. 90). Jean-Dominique Michel rappelle ici l’expérience du
sida : ce n’est pas l’EBM qui a permis de découvrir le traitement (les
trithérapies) en 1996, c’est la médecine empirique. Il faut donc
remettre l’EBM à sa place : elle « peut venir en soutien et assurément
apporter des informations pertinentes, mais non se substituer à la
clinique » (p. 93).
Le rêve de transformer la médecine en une science exacte est un
infantilisme, l’expression « certitude scientifique » est un oxymore, la
conception de la randomisation comme preuve ultime est une croyance
dogmatique. J.-D. Michel a des mots très durs mais très justes contre
« les intégristes » de l’EBM (p. 100). L’EBM n’a pas fondamentalement
permis d’améliorer la qualité des soins médicaux et elle « participe
involontairement à sa déshumanisation de la pratique médicale » (p.
103). « Trop de médecine, trop peu de soins »,
disait il y a quelques années le professeur Claude Béraud (Université
de Bordeaux). L’expérience du traitement des cancers des enfants a
également conduit le docteur Nicole Delepine
à dénoncer des protocoles dits scientifiques qui conduisent à
uniformiser les traitements et à ouvrir la voie aux industries
pharmaceutiques. Dans un livre paru au début de cette année 2020 (La France, malade du médicament),
le professeur de pharmacologie Bernard Bégaud (Université de Bordeaux)
estime que « la moitié des centaines de milliers d’effets indésirables
survenant en France, certains de gravité extrême, sont induits par
des médicaments dont la prise ne se justifiait pas ou plus ». De manière
générale, comme J.-D. Michel le rappellera plus loin, « la mauvaise
médecine est devenue, aux États-Unis, la troisième cause de mortalité juste après les maladies cardiovasculaires et les cancers » (p. 129).
Rien ne remplace l’expérience empirique du soin des malades, raison
pour laquelle il est consternant que le gouvernement français ait écarté
la proposition thérapeutique de l’IHU de Marseille et qu’il ait mis à
l’écart les médecins de ville dans la lutte contre l’épidémie (p.
94-95). Au final, la responsabilité morale de tous ces adorateurs de
l’EBM est engagée : « la posture des responsables politiques français et
des gardiens du temple "scientifique" a été de risquer de laisser
mourir des malades pour ne pas prescrire une substance parce qu’on
n’était pas "absolument certains" de son efficacité. Ce qui pose bien un
problème éthique » (p. 99). De la corruption dans la recherche médicale
Le dernier problème posé par l’EBM est celui qu’a révélé l’affaire du Lancet.
Jean-Dominique Michel avait déjà terminé son livre lorsque cette
affaire a eu lieu, mais elle ne fait que confirmer de façon
spectaculaire ce qu’il explique très bien : « l’EBM a d’autres utilités
que celle pour laquelle elle a été mise en place et massivement adoptée
par le monde de la recherche médicale : elle fournit des possibilités
inépuisables de manipulation et de fraude. Les compagnies
pharmaceutiques en particulier en font grand usage pour faciliter
différentes opérations lucratives en dépit de l’absence de données
réelles probantes. Avec les maladies chroniques, l’industrie
pharmaceutique a fourni par supertankers de faux résultats permettant de
mettre sur le marché des produits coûteux, inutiles et souvent
dangereux. Le tout enrobé d’un vernis de respectabilité scientifique qui
fait encore hélas illusion » (p. 105).
La terrible naïveté des « méthodologistes » consiste à confondre la
fin et le moyen. La statistique n’est qu’un moyen, qui peut être mis au
service de n’importe quelle fin. L’EBM est ainsi régulièrement utilisée
par les industriels pour « prouver » l’absence de lien entre un problème
de santé et un produit : « c’est évidemment l’industrie du tabac qui a
ouvert le bal, suivie par d’autres comme l’agroalimentaire, l’industrie
pétrolière et la pétrochimie (en particulier son secteur pesticides).
Les fameux "Monsanto Papers", grâce auxquels la multinationale
contestait de manière fallacieuse l’évidente toxicité de ses produits
par des documents pseudoscientifiques en est un exemple récent » (p.
106).
Et la même chose fonctionne avec le Covid : « on a ainsi pu observer
que les plus virulents opposants au protocole de Marseille étaient
bénéficiaires des largesses de Gilead, une société espérant mettre sur
le marché son antiviral Remdesivir au prix de 900 à 1 000 dollars par
patient. Ces mêmes experts touchent également des enveloppes des autres
grands groupes comme Merck, Sharp & Dohme, Roche, Boehringer,
Johnson & Johnson, Sanofi, GSK, Abbvie, Pfizer, Novartis ou encore
Astrazeneca » (p. 107). Au passage, J.-D. Michel rappelle aussi que ceci
concerne la plupart des médecins faisant partie du « Conseil
scientifique » et du « Comité analyse et expertise (Care) » mis en place
par le président de la République en France (p. 108).
Le problème est général et J.-D. Michel le pose dans toute sa
crudité : « la recherche médicale est en crise depuis au moins quinze
ans. Une crise systémique. Sapée par une corruption généralisée qui
s’appuie sur un petit nombre de personnes corrompues et une majorité
d’acteurs qui sont partie prenante en toute ignorance de cause » (p.
109). Une « corruption systémique » gangrène donc la recherche médicale
contemporaine : « le système est pourri dans son ensemble, d’une manière
qui contraint chaque acteur à s’y résoudre, mais sans avoir à y
participer activement » (p. 111). La chose a déjà été dénoncée à maintes
reprises par les rédacteurs en chef des plus grandes revues médicales
comme le New England Journal of Medicine, le British Journal of Medicine et le Lancet (on l’a également souligné ici).
J.-D. Michel rappelle aussi que tout ceci est connu de tous depuis le
célèbre article du professeur John Ionnadis (Université de Stanford),
publié en 2005, intitulé « Pourquoi la plupart des résultats de recherche scientifique publiés sont faux »
(p. 112). En effet, l’industrie pharmaceutique a non seulement imposé
une méthode (l’EBM), des sujets et des hypothèses, mais elle contrôle de
surcroît en partie la formation, la recherche, l’édition et les médias
(p. 115-118).
On ne peut reprendre ici tous les arguments et toute la bibliographie
que donne J.-D. Michel, mais tout ceci est fondamental. On insistera
toutefois, pour terminer sur ce point, sur les pages consacrées par
l’auteur à la crise du virus H1N1 (« grippe A ») de 2009, tant la
comparaison avec la crise actuelle est fascinante (on rappellera à ce
propos l’excellent documentaire de ARTE que chacun peut revoir sur Internet).
Il y a 11 ans, l’industrie pharmaceutique avait déjà réussi un énorme
« coup » en créant une panique autour d’un virus présenté comme un
danger pour l’humanité toute entière lors même qu’au final il ne tua pas
plus que les grippes saisonnières. Mais grâce à cette panique,
l’industrie (notamment le laboratoire suisse Roche) parvint à faire
acheter par les Etats des centaines de millions de boites d’un antiviral
– le Tamiflu – qui s’avéra par la suite inefficace (p. 128-129). Et
après le médicament vint bien entendu le vaccin, acheté là aussi par
centaines de millions. La France, on s’en souvient, battra des records
avec l’achat de 95 millions de doses par le ministère de la Santé dirigé
alors par une certaine Roselyne Bachelot. On relira à cette occasion le
rapport de la Commission d’enquête du Sénat de l’époque, consacrée au
« rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le Gouvernement de la grippe A (H1N1) ». La véritable santé publique est ailleurs
Le onzième et avant-dernier chapitre du livre de J.-D. Michel
pourrait au premier abord paraître hors sujet, d’autant que certains
passages du livre le sont quelque peu. Mais il n’en est rien. Le
Coronavirus n’est dangereux que pour les personnes les plus affaiblies
par l’âge (93% des personnes décédées avaient plus de 65 ans)
et les maladies chroniques (hypertension, diabète, troubles
cardiovasculaires, cancer, etc.). D’où la proposition tirée : « il faut
oser le dire, ce n’est pas le virus qui tue, ce sont les maladies
chroniques qui rendent une infection au Sars-CoV-2 potentiellement
fatale à certains patients déjà lourdement touchés par les maux de la
société » (p. 187). Outre le vieillissement naturel, ce sont bien des
facteurs socio-économiques qui facilitent le développement des maladies
chroniques qui elles-mêmes fragilisent les défenses immunitaires face
aux virus. Et J.-D. Michel rappelle opportunément les sept grands
facteurs que sont : 1) « la malbouffe » (« trop salé, trop gras, trop
sucré ») conduisant à l’obésité, 2) la pollution atmosphérique, 3) les
substances chimiques présentes dans les habitations et dans
l’environnement, 4) les médicaments inutiles ou mal prescrits, 5) les
pesticides, 6) le stress au travail, 7) la sédentarité (p. 188-190). Il
en oublie cependant trois autres : le tabagisme, l’alcoolisme et surtout
les élevages intensifs d’animaux qui sont une source majeure de toutes
ces zoonoses (maladies transmises à l’homme par les animaux) dont le
Coronavirus n’est sans doute que le énième épisode.
Le propos de J.-D. Michel est cinglant : « la vérité est qu’à peu
près rien n’a été réellement fait au cours des décennies écoulées pour
protéger la population contre ces facteurs de risque, malgré des dégâts
sanitaires monstrueux. Et c’est cette population déjà atteinte dans sa
santé qui a été le plus frappée par la pandémie de Covid-19. Le vrai
problème, c’est que nous avons donné licence aux grands complexes
industriels (agroalimentaire, pétrochimie, transports, pharmas) de
prospérer en inondant le marché de produits qui, pour beaucoup d’entre
eux, endommagent ou détruisent la santé des gens. Au détriment donc du
bien commun et de la santé de la population. (…) les consortiums qui
contrôlent aujourd’hui la production agricole, l’alimentation, la
chimie, l’énergie, les transports, les médias, la publicité et les
médicaments font le lit de nos cancers, nos infarctus, nos AVC, nos
diabètes, nos Alzheimer, Parkinson, dépressions et autres scléroses en
plaques. (…) En fait, nous n’avons pas de système de santé, mais une industrie de la maladie » (p. 191-192).
Même s’il tend ici à euphémiser les phénomènes proprement naturels
(le vieillissement, les facteurs génétiques), ce raisonnement
sociologique qui caractérise globalement le propos de Jean-Dominique
Michel fait tout l’intérêt de son livre.
June 1996, and the United States
was on edge. A year after Timothy McVeigh bombed the Alfred P. Murrah
Building in Oklahoma City, the country watched anxiously as a standoff
between the FBI and a militia group unfolded in Jordan, Montana. The
Montana Freemen had declared themselves outside the reach of U.S. law,
had stopped paying taxes, and had embarked on a scheme of counterfeiting
and bank fraud. When the FBI attempted to arrest them in March, they
grabbed their weapons, and the Feds, eager to avoid the bloodshed that
ended similar standoffs at Ruby Ridge and Waco, settled in for a siege.
During the second month, news broke that another Montanan—Ted Kaczynski,
the Unabomber—had been caught and charged with a series of bombings
over the course of 17 years. Then, on June 14, the same day that the
last of the Montana Freemen surrendered peacefully, police in Long
Island, New York, arrested another group of dangerous men, revealing a
plot far stranger than anything the country had yet seen.
Martin Thompson, the head of Rackets for
the Suffolk County’s District Attorney’s office, had been leading an
investigation into illegal gun sales when he first learned of the plan.
Listening to a wiretap of two suspects, John J. Ford and Joe
Mazzuchelli, he suddenly found them talking about something very
different than guns.
“Once they find this stuff, on, let’s say
in Tony’s car, front seat,” Ford is heard saying on the tape, only to
be cut off by Mazzuchelli, who chimes in, “Nasty bastard glowing in the
dark.” Ford adds, “With this isotope, he’ll start glowing in 24 hours.”
Thompson and his team had stumbled on a deeply bizarre assassination
plot involving stolen radium, a forest fire, and a UFO cover-up.
The
U.S. Air Force’s Nevada Test and Training Range contains a facility
popularly known as Area 51. The secrecy around it has attracted
countless theories. Mario Tama/Getty Images
In addition to stockpiling a large cache
of weapons, Ford was president of the Long Island branch of the Mutual
UFO Network, or MUFON, a collection of UFO enthusiasts who investigated
sightings to prove that extraterrestrials had visited Earth. MUFON
members are not, by nature, violent: Most see their job as simply
gathering evidence, as objectively and dispassionately as possible.
But Ford was not a typical UFO
researcher. He claimed he had been recruited by the CIA at 18, and had
routinely participated in clandestine operations against the Soviet
Union. The KGB, he claimed, had tried five times to kill him, and they’d
given him the nickname “the Fox,” due to his wily nature. But by the
mid-1990s, things had turned: Ford injured himself on the job and his
mother died, an event that, friends said, affected him deeply. And then
there was the forest fire.
The blaze that swept through Long
Island’s Pine Barrens in 1995 was large enough that the smoke was
visible from Manhattan, some 75 miles away, ultimately scorching 7,000
acres. Over time, Ford became convinced that the fire was, in fact,
caused by a UFO crash, and that the Suffolk County Board was involved in
a large-scale cover‑up. He felt that the only way to get answers was to
take control of the government himself, and began conspiring with
Mazzuchelli and another man, Edward Zabo, to kill three county officials
using stolen radium. Zabo, deeply in debt, agreed to provide the radium
that Mazzuchelli would plant in the men’s homes. At a press conference
the day of the arrest, Suffolk County District Attorney James M.
Catterson stood before Ford’s extensive collection of weapons and
explained that when he’d first heard of the plot, “the idea that someone
would attempt to introduce radioactive material into someone’s food or
someone’s living area at first seemed so bizarre that there’s a human
tendency to discount it. It didn’t take very long to realize that this
was some of our worst nightmares come true.”
The past few years, and especially
the current moment, have revealed that such fringe beliefs and
conspiracy theories are becoming more prevalent—and more consequential.
Belief in Atlantis, or cryptids (such as Bigfoot and the Loch Ness
Monster), or UFOs, or ancient aliens—has risen dramatically. For several
years Chapman University in California has surveyed American’s fears
and irrational beliefs. In some cases, the numbers have been steadily
creeping upward: Belief in Bigfoot moved from 11 percent in 2015 to 21
percent in 2018. The belief that aliens have visited Earth during modern
times went from 18 percent to 26 percent in 2016, and then to 35
percent in 2018. The notion that aliens visited Earth in the distant
past has more than doubled from 20 percent in 2015 to 41 percent in
2018.
We are, in other words, experiencing a
resurgence in ideas mostly dismissed by science and history. Alongside a
rise in conspiracy theories about vaccines, fluoridation, chemtrails,
and political conspiracies from the Illuminati to QAnon, comes more
ignoring of experts and the embrace of beliefs that were once relegated
to cults.
As for Ford’s little
cult: Both Mazzuchelli and Zabo turned on him in exchange for lesser
sentences, while Ford was pronounced unfit to stand trial and
involuntarily committed to the Mid-Hudson Psychiatric Center in New
Hampton, New York.
“Yes,
this all sounds way out,” District Attorney Catterson said. “But when I
read the Unabomber manifesto, some of his ideas were just as bizarre.
That’s why I take this and the imminent threat to the individuals
concerned here very seriously … This all convinces me that there is a
side to humanity that defies definition.”
The Giza pyramid complex has long been a source of wild speculation, despite its history being rather well understood. KHALED DESOUKI/AFP via Getty Images
Murder plots are clearly an aberration in
the world of UFO and cryptid enthusiasts, most of whom are normal,
law-abiding folks. But there are shades of overlap between these
searchers and the darker strands of conspiracy theory. They share a
similar distrust of established voices—scientific, governmental,
journalistic—that ranges from healthy skepticism to outright paranoia.
By themselves, fringe ideas
don’t necessarily breed paranoia or violence. Much of what attracts
people to them is the idea of wonder and marvel, outside the ken of
humanity, just out of reach. But the toxic mélange of anti-vaxxers,
school-shooting truthers, and right-wing militia groups didn’t appear
overnight. As long as there has been a scientific establishment, there’s
been distrust of it, and as long as there have been democratic
governments, there’s been suspicion about what’s really going on. The
rise in our fascination with things like cryptids and UFOs offers one
vector for explaining how we got to where we are today.
Often, the genesis and evolution of these
beliefs follows a standard, almost predictable, pattern. Something
genuinely anomalous or difficult to explain happens, followed by
increasingly elaborate explanations that resist positive or negative
confirmation. The curious case of Erich von Däniken and his wildly
successful “ancient alien” hypothesis offers a particularly paradigmatic
example.
It begins, as often as not, with a
legitimate, unsolved scientific question—in this case, the Fermi
Paradox, which posited that, statistically, it stands to reason that
there are other advanced civilizations in the universe. In 1950, at Los
Alamos National Laboratory, the physicist Enrico Fermi, for whom the
paradox was named, was discussing extraterrestrials with other
scientists when he asked, “Where is everybody?”
Stonehenge is part of a sprawling complex of ritual sites in southern England that dates back thousands of years. Chris Gorman/Getty Images
Since then, other
scientists have worked to better understand this paradox and the
probabilities involved, including a young assistant professor at Harvard
named Carl Sagan, who in 1963 offered a highly provisional hypothesis
that perhaps “Earth was visited by an advanced extraterrestrial
civilization at least once during historical times.”
Enter hotel clerk and convicted fraud
Erich von Däniken. He had no formal scientific training, but he liked
the idea that aliens could have visited Earth in the distant past. His
1968 book, Chariots of the Gods?, suggested that the Egyptian
pyramids, the Moai statues of Easter Island, and Stonehenge in England
are all artifacts of contact between humanity and aliens. An instant
bestseller, Chariots of the Gods (the title long ago lost its
question mark) spawned a seemingly endless series of follow-ups by von
Däniken, who turned his idea into such an industry that he opened a theme park in Switzerland devoted to it.
Von Däniken’s success came in part from
his ability to start with legitimate gaps in our knowledge, ignore
evidence that contradicted his own claim, and then magnify the supposed
ignorance of science. He argued, for example, that Egyptologists don’t
know how or why the pyramids were built. In fact, there are detailed
records on this from the Egyptians themselves. But this counterevidence
is immaterial as the main hypothesis grows exponentially. Much of this
is driven by what’s sometimes called apophenia, the tendency to see
shapes and patterns where none exist—the idea that everything is, one
way or another, connected.
A fringe belief system like von Däniken’s
is an endless work in progress, an ever-expanding grand scheme, an
associative process of connecting the dots. Stonehenge, Easter Island,
the Nazca lines, Maya iconography—all are mysteries “solved” by a single
thesis that encompasses all of ancient religion, art, architecture, and
mythology. It is a theory seductive in its simplicity, but built on
cultural chauvinism: Von Däniken and his adherents refuse to believe
that ancient civilizations were intellectually sophisticated enough to
have created wondrous buildings or understood complicated math and
astronomy without outside help.
The Nazca lines and geoglyphs of southern Peru likely had religious significance. Werner Forman/Universal Images Group/Getty Images
When archaeologists and sociologists set out
to study their students’ belief in von Däniken’s ancient-astronaut
theory in the late 1970s and early 80s, they found that as many as 28
percent of incoming college students believed in similar theories; more
dismaying, that number stayed consistent across four years of higher
education, including in archaeology.
When I talk to people who believe that
Lemuria or Atlantis is real, that Bigfoot or the Loch Ness Monster
exists, or that the government is covering up information about UFOs,
it’s easy to hit a wall very quickly. Trying to disprove any of these
beliefs—or really, any conspiracy—is frustrating and foolhardy; it soon
becomes apparent that what matters is not what a person believes but
that a person believes, and that that satisfaction is more important
than truth or falsity.
Rather than debunking these
theories, it may be more important to understand their genealogy and
development. While they appear to be ancient, these ideas are (unlike,
say, the belief in ghosts) a relatively new phenomenon that emerged as a
result of two great, connected shocks of the 19th century: the divorce
of science and religion, and the disenchanting of the world.
For most of the history of the Western
world, science and religion had been linked. The study of the natural
world, for ancient Greeks and medieval Christians, magnified one’s
understanding of God. But the Protestant Reformation and the
Enlightenment set in motion a series of events that would, by the early
19th century, set the two ideas in opposition to one another. The world
of science also became professionalized and concentrated in
universities, museums, and professional organizations. The powerful
allure of pseudoscience is in its claim to heal this rupture and bring
scientific inquiry and mysticism back into harmony.
A moai seen on ceremonial platform Ahu Tongariki at Rapa Nui National Park of Chile’s Easter Island (Rapa Nui). John Milner/SOPA Images/LightRocket via Getty Images
At the same time, the world was becoming,
as German philosopher Max Weber famously put it, “disenchanted.” In a
1917 article, “Science as a Vocation,” he explained that “the increasing
intellectualization and rationalization” of the 19th and 20th centuries
implied that we could understand anything in the natural world if we
simply set our minds to it. Weber had given a name to a growing feeling
in the industrialized world, that there was no more magic, nothing
inexplicable or mysterious. There has been a feeling among some that
this scientific disenchantment has cost us something, and that Atlantis
and Bigfoot and little green men can reenchant the world.
By the 20th century, much
of the world’s frontiers had evaporated, as colonialism and capitalism
stretched across the globe, taking the vast “unknown” with them. But
there are still those who dream of the margins, the frontiers between a
disenchanted modern world and enchanted, distant places—be they sunken
continents, the Yeti-infested Himalayas, or top-secret government black
sites that cover up visits from beyond our planet.